La clause excluant la garantie des dommages subis par les ouvrages de l’assuré peut valablement coexister avec celle garantissant les dommages matériels et immatériels causés aux tiers par les ouvrages (Cass. 3e civ., 15 janvier 2013) — Karila

La clause excluant la garantie des dommages subis par les ouvrages de l’assuré peut valablement coexister avec celle garantissant les dommages matériels et immatériels causés aux tiers par les ouvrages (Cass. 3e civ., 15 janvier 2013)

Clause d’exclusion des dommages subis par les ouvrages, travaux et produits de l’assuré – validité (oui). Contradiction avec la garantie des dommages matériels et immatériels causés aux tiers dont les maître d’ouvrage (non). (Cass. 3e civ., 15 janvier 2013)

Lagarantie de la responsabilité civile de l’assuré en raison des dommages causés aux tiers, ou même aux maîtres d’ouvrage, par les ouvrages ou travaux exécutés par l’assuré n’est pas contradictoire et ne vide par conséquent pas son sens à la clause d’exclusion de la garantie des dommages subis par les ouvrages, travaux et produits eux-mêmes exécutés ou livrés par l’assuré.

Cour de Cassation (3e Ch. civ.)

15 janvier 2013

Pourvoi n°11-27145

Non publié au bulletin

Sté Areas Dommages c/ SCI Amisa et autres

La Cour, sur le moyen unique :


Vu l’article 1134 du code civil ;


Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 29 septembre 2011), que la société civile immobilière Amisa (la SCI Amisa), dont les associés sont Mmes X… et Y…, a conclu un contrat de maîtrise d’œuvre avec la société Construction 35, assurée auprès de la société Mutuelle du Mans assurances (les MMA), pour la construction d’un bâtiment équipé d’un bassin de balnéothérapie ; que le gros œuvre a été confié à la société BT BAT, assurée auprès de la société Aréas dommages au titre de la responsabilité civile professionnelle ; qu’alléguant divers désordres et préjudices consécutifs au non-achèvement de l’ouvrage, la SCI Amisa et Mmes X… et Y… ont, après expertise, assigné le maître d’œuvre, son assureur et la société BT BAT en indemnisation de leurs préjudices ; que la société BT BAT a appelé en garantie la société Aréas dommages ;


Attendu que, pour condamner cette dernière à garantir la société BT BAT des condamnations prononcées à son encontre, sous réserve de la franchise contractuelle, et, in solidum avec la société BT BAT, à garantir la société Constructions 35 et les MMA des condamnations prononcées à leur encontre dans la limite d’un tiers, l’arrêt retient que les termes de la clause excluant les dommages subis par les ouvrages, travaux et produits exécutés ou livrés par l’assuré ainsi que l’ensemble des frais se rapportant à ces ouvrages, travaux et produits tels que frais de pose, de dépose, de transport, de mise au point, de réparation, de remplacement, de remboursement, de retrait, d’examen sont contradictoires avec ceux de la clause garantissant la responsabilité civile pouvant incomber à l’assuré en raison des dommages matériels et immatériels, consécutifs ou non consécutifs, causés au tiers, dont les maîtres d’ouvrage, par les ouvrages ou travaux exécutés par l’assuré et survenus après leur achèvement tant ils paraissent vider de son sens la clause accordant la garantie de cette catégorie de dommage de sorte que cette convention, susceptible de deux sens, doit plutôt être entendue dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n’en pourrait produire aucun ;


Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de l’article 31 des conditions générales du contrat d’où il résultait qu’étaient notamment exclus de la garantie les dommages subis par les ouvrages exécutés par l’assuré, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE…

(…) »


Note

La SCI AMISA constituée par deux masseuses kinésithérapeutes acquiert d’un terrain à bâtir afin d’y construire des locaux professionnels équipés d’un bassin de balnéothérapie. Un contrat de maîtrise d’œuvre est conclu avec la société CONSTRUCTION 35 et un marché de travaux de gros œuvre est conclu avec la Société BT BAT. Alors que la construction devait être achevée le 1er juin 2008, dès le mois de mai 2008 plusieurs anomalies et désordres affectaient les ouvrages, notamment au niveau du bassin de balnéothérapie à travers les parois maçonnées duquel des infiltrations d’eau apparaissaient, de telle sorte qu’il devenait inexploitable et que l’ouvrage en son entier ne pouvait être réceptionné.

La SCI AMISA prenait toutefois possession des lieux au mois de mai 2008, avant que de solliciter et obtenir une expertise judiciaire puis de saisir le tribunal de grande instance sur le fondement du rapport déposé aux fins de la condamnation en particulier de la société CONSTRUCTION 35 et la Société BT BAT et de leurs assureurs respectifs, les MMA et la compagnie Aréas Dommages, laquelle relève appel de la décision des premiers juges au motif notamment que la clause 31-a des conditions générales du contrat souscrit auprès d’elle par la Société BT BAT excluait toute couverture des « dommages subis par les ouvrages, travaux et produits exécutés ou livrés par l’assuré ainsi que l’ensemble des frais se rapportant à ces ouvrages, travaux et produits tels que frais de pose, de dépose, de transport, de mise au point, de réparation, de remplacement, de remboursement, de retrait, d’examen. »

Le 29 septembre 2011, la Cour d’appel (Rennes, Chambre 4, 29 septembre 2011, n° 337, 10/04778) disait cette clause d’exclusion 31-a contradictoire avec les termes de la clause 31 garantissant « la responsabilité civile pouvant incomber à l’assuré en raison des dommages matériels et immatériels, consécutifs ou non consécutifs, causés au tiers, dont les maîtres d’ouvrage, par les ouvrages ou travaux exécutés par l’assuré et survenus après leur achèvement » qu’elle faisait donc prévaloir sur la clause d’exclusion en confirmant le jugement en toutes ces dispositions.

L’arrêt d’appel de Rennes était frappé d’un pourvoi formé par la compagnie Aréas Dommages aux motifs :

§  qu’un contrat d’assurance de responsabilité civile professionnelle peut exclure la garantie des dommages causés à l’ouvrage réalisé par l’assuré, et la prise en charge corollaire des frais de réfection ou de réparation, pour ne garantir que les dommages causés aux tiers par cet ouvrage ;

§  qu’en l’espèce, la société Aréas Dommages faisait valoir que l’article 31-a des conditions générales d’assurance excluait la garantie des dommages subis par les ouvrages exécutés par l’assuré, ainsi que celle des dommages immatériels non consécutifs à un dommage corporel ou matériel non garanti ;

§  en sorte qu’en décidant que les termes de cette clause d’exclusion étaient contradictoires avec ceux de l’article 31 « tant ils paraissent vider de son sens la clause accordant la garantie de cette catégorie de dommage » pour écarter son application et condamner la société Aréas Dommages à garantir la société BT BAT des condamnations prononcées contre elle au titre du coût des travaux de reprise des désordres affectant le bassin de balnéothérapie, tandis que cette clause délimitait, de manière formelle et limitée, l’étendue de la garantie de responsabilité civile offerte par la société Aréas Dommages, la cour d’appel a dénaturé l’article 31-a des conditions générales du contrat d’assurance et violé l’article 1134 du code civil.

La 3ème chambre civile de la Cour de cassation cassera l’arrêt de la Cour d’appel de Rennes pour violation de l’article 1134 du Code civil pour avoir dénaturé les « termes clairs et précis de l’article 31 des conditions générales du contrat d’où il résultait qu’étaient notamment exclus de la garantie les dommages subis par les ouvrages exécutés par l’assuré ».

C’est l’occasion de rappeler que la garantie de la responsabilité civile de l’assuré en raison des dommages causés aux tiers, ou même aux maîtres d’ouvrage, par les ouvrages ou travaux exécutés par l’assuré se distingue de la garantie des dommages subis par les ouvrages, travaux et produits eux-mêmes exécutés ou livrés par l’assuré, objet d’une clause d’exclusion habituelle de certains contrats d’assurance dont la validité est régulièrement rappelée par la jurisprudence (Cass. 1e civ., 6 janvier 1993, 89-20730) selon la formule énoncée par un arrêt de principe du 17 novembre 1998 (Cass. 1e civ., 17 novembre 1998, n° 96-17905, Bull. 1998, I, n° 320, p. 222) : « Sont formelles et limitées les clauses d’une police d’assurance de responsabilité civile professionnelle qui excluent de la garantie  » responsabilité civile après travaux  » les malfaçons elles-mêmes et le coût des remises en état, et qui laissent dans le champ de la garantie les dommages corporels, matériels ou immatériels dont le fait générateur est constitué par les malfaçons » (Cass. 1e civ., 15 décembre 1998, n° 96-18196, RGDA 1999-2 p. 295) ; tendance jurisprudentielle à nouveau récemment rappelée (Cass. 3e civ., 24 février 2004, n° 02-10091; Cass. 3e civ., 16 janvier 2011, n° 10-14373, RGDA 2011-3-008, note L. Mayaux ; CA Rennes, Chambre 4, 10 février 2011, n° 74, 08/06052, JurisData n° 2011-026841 ; Cass. 3e civ., 8 juin 2010, n° 09-15489, Cass. 3e civ., 3 juillet 2007, n° 06-17085) après quelques hésitations (Cass. 2e civ., 2 octobre 2008, n° 07-15810, RGDA 2008, p. 117, note L. Mayaux, Resp. civ. Ass. 2009, comm. 30, note H. Groutel ; Cass. 2e civ., 11 janvier 2009, Resp. civ. Ass. 2009, comm. 302, H. Groutel).


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