La RCD est limitée à l’activité déclarée (Cass. 1e. civ., 29 avril 1997) — Karila

La RCD est limitée à l’activité déclarée (Cass. 1e. civ., 29 avril 1997)

Ancien ID : 207

Déclaration du risque. Responsabilité engagée à l’occasion d’une activité non déclarée. Assurance (non). Articles L. 241-1 et A. 243-1 du Code des Assurances.

Si le contrat d’assurance de responsabilité décennale que doit souscrire tout constructeur ne peut comporter des clauses et exclusions autres que celles prévues à l’annexe I à l’article A. 243-1 du Code des assurances, la garantie de l’assureur ne concerne que le secteur d’activité professionnelle déclaré par le constructeur.

Cour de cassation (1re Ch. civ.) 29 avril 1997 (1re espèce)

Deprost c/La Bâloise France et Autres

La Cour,

Sur le moyen unique :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la société I.C.B. Nord, qui avait souscrit auprès de la compagnie La Bâloise une police « responsabilité décennale » et déclaré exercer les activités d’« aménagements de magasins, bars, vitrines, cuisines, limités aux lots techniques électricité, plomberie, ventilation », s’est vu confier par Mme Deprost des travaux de réfection de toiture, lesquels se sont avérés défectueux ; que la Cour d’appel, par arrêt confirmatif (Douai, 24 octobre 1994), a constaté la créance de Mme Deprost à l’encontre du liquidateur du maître d’oeuvre et mis hors de cause de la compagnie d’assurance qui avait dénié sa garantie ;

Attendu que Mme Deprost fait grief à cet arrêt d’avoir ainsi statué, au motif que les travaux de couverture pour l’exécution desquels la société I.C.B. Nord a engagé sa responsabilité décennale ne procédaient pas de l’activité d’aménagement déclarée à l’assureur, alors que cette déclaration n’avait pour objet que de déterminer le montant de la prime et ne pouvait avoir pour effet de réduire le champ de la garantie légale ;

Mais attendu que si le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire que doit souscrire tout constructeur ne peut comporter des clauses et exclusions autres que celle prévues par l’annexe I à l’article A. 243-1 du Code des assurances, la garantie de l’assureur ne concerne que le secteur d’activité professionnelle déclaré par le constructeur ; qu’ayant constaté que la société I.C.B. Nord avait souscrit, dans le cadre de sa responsabilité décennale, une police dont les conditions particulières visaient seule l’activité 4-1 : « aménagements de magasins, bars, vitrines, cuisines, limités aux lots techniques (électricité, plomberie, ventilation) et non l’activité 2-2, concernant la couverture et la plomberie », la Cour d’appel a décidé, à bon droit, que la garantie de l’assureur ne pouvait s’appliquer à un sinistre survenu à l’occasion de l’activité de couverture ;

Par ce motifs,

Rejette…

Cour de cassation (1re Ch. civ.) 28 octobre 1997 (2e espèce)

S.A.M.D.A. c/Caccamo et Autres

La cour,

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles L. 241-1 et A. 243-1 du Code des assurances ;

Attendu que si le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire que doit souscrire tout constructeur ne peut comporter les clauses d’exclusion autre que celles prévues à l’article A. 243-1 du Code des assurances, la garantie de l’assureur ne concerne que le secteur d’activité professionnelle déclaré par le constructeur ;

Attendu qu’après avoir confié à M. Halet, architecte, une mission de maîtrise d’oeuvre en vue de la construction d’une maison à ossature en bois, M. Caccamo a conclu, en octobre 1984, avec la société Bretagne charpente industrielle (B.C.I.) un marché de travaux tous corps d’état, à l’exception de l’étanchéité ; que les travaux, commencés en décembre 1984, ont été réceptionnés le 24 mai 1985 ; que, se plaignant de désordres apparus fin 1985, M. Caccamo a, après expertise judiciaire, demandé la réparation de son préjudice à M. Halet et à la société B.C.I. ainsi qu’aux assureurs respectifs de ces derniers, la Mutuelle des architectes français (M.A.F.) et la Société d’assurance moderne des agriculteurs (S.A.M.D.A.) ; que l’arrêt attaqué a déclaré M. Halet et la société S.B.I. responsables des désordres, constaté que cette dernière avait été déclarée en liquidation de biens par jugement du 24 janvier 1986, dit que, dès lors, aucune condamnation ne pouvait être prononcée contre elle et condamné la S.A.M.D.A., in solidum avec M. Halet et la M.A.F., à indemniser M. Caccamo ;

Attendu que, pour condamner la S.A.M.D.A. à garantie, l’arrêt attaqué énonce qu’il est de principe que toute personne physique ou morale, dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du Code civil à propos de travaux du bâtiment, doit être couverte par une assurance ; que tout contrat d’assurance souscrit en vertu de cet article est, nonobstant toute clause contraire, réputé comporter des garanties au moins équivalentes à celles figurant à l’annexe I de l’article A. 243-1 du Code des assurances ; qu’aucune stipulation du contrat ne peut avoir pour effet d’amoindrir, d’une manière quelconque, le contenu de ces garanties et qu’eu égard aux dispositions du contrat, la S.A.M.D.A. n’est pas en droit d’opposer une exception de non-assurance ;

Attendu, cependant, que la Cour d’appel avait constaté que l’activité déclarée à l’assureur par la société B.C.I. était limitée à des travaux courants de charpente réalisés conformément à des techniques traditionnelles et ne visait pas la construction, en son ensemble, d’une habitation à ossature de bois, qui implique une technique particulière et des compétences spécifiques correspondant à une qualification que la société n’avait pas obtenue à la date de la souscription de son contrat d’assurance ; qu’en se déterminant comme elle a fait, la Cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les première et troisième branches du moyen :

Casse…

NOTE

1) Les arrêts rapportés rendus par la 1re Ch. civ., à quelques semaines d’intervalle, sur les rapports de deux conseillers différents, énoncent clairement, le premier aux visas des articles L. 241-1 et A. 243-1 du Code des assurances, le second au visa seulement du second texte ci-dessus cité, la règle selon laquelle si le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire (décennale) que doit souscrire tout constructeur ne peut comporter les clauses d’exclusion autres que celles prévues à l’article A. 243-1 du Code des assurances, la garantie de l’assureur ne concerne néanmoins que le secteur d’activité professionnelle déclaré par ledit constructeur.

2) Nous ne pouvons qu’applaudir la solution retenue, qui ne semble pas pour autant remettre en cause les solutions antérieures que nous avions critiquées et qui auraient pu conduire à une solution différente de celle adoptée dans les arrêts rapportés.

3) Par un premier arrêt de principe rendu par la 3e Ch. civ. Ie 17 juin 1992 (Bull. civ. III, n° 208) approuvé, en termes mesurés, par M.H. Périnet-Marquet (R.G.A.T. 1992.569), la Cour Suprême avait écarté une clause d’exclusion de garantie relative à « l’activité de l’assuré en qualité de constructeur de maisons individuelles », stipulée dans un contrat d’assurance de la responsabilité décennale, au motif que ladite clause « avait pour conséquence d’exclure de la garantie certains travaux de bâtiment réalisés par Mme Reboul dans l’exercice de sa profession d’entrepreneur, et faisait échec aux règles d’ordre public relatives à l’étendue de l’assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction ».

La 1re Ch. civ. par arrêt du 15 décembre 1993 (R.G.A.T. 1994.568, note critique J.P. Karila) adoptait à son tour une solution identique, qu’elle réitérait par arrêt du 9 mai 1994 (R.G.A.T. 1994.825 note approbative A. d’Hauteville), et ce toujours à propos de clauses d’exclusions de garantie relatives à l’activité de constructeur de maisons individuelles.

4) Dans notre note sous l’arrêt précité du 15 décembre 1993, nous écrivions : « On peut certes approuver une telle solution (voir à cet égard note approbative de M.H. Périnet-Marquet in R.G.A.T. 1992.569), soit la déplorer, ce qui est notre cas, car l’affirmation lapidaire qu’elle comporte pourrait avoir pour conséquence ultime de voir un assureur d’un entrepreneur de second oeuvre (peintre par exemple) – qui commettrait l’imprudence d’effectuer des travaux de fondation – de garantir des désordres affectant le gros oeuvre, c’est-à-dire des ouvrages ne ressortissant pas à l’activité déclarée de son assuré, et/ou encore, ce qui est une autre manière de poser le problème, à sa qualification telle que déclarée lors de la souscription du contrat d’assurance ».

Les conséquences que nous redoutions, ne se sont pas en définitive réalisées, la Cour Suprême s’y était à juste titre refusée dans les arrêts rapportés.

Dans la première espèce rapportée, il s’agissait d’un entrepreneur qui avait déclaré exercer les activités « d’aménagements de magasins, bars, vitrines, cuisines, limités aux lots techniques (électricité, plomberie, ventilation) », et qui avait réalisé des travaux de réfection d’une toiture.

Dans la seconde espèce rapportée, l’entrepreneur-artisan avait déclaré une activité limitée à des travaux courants de charpente réalisés conformément à des techniques traditionnelles et avait réalisé la construction d’une habitation à ossature de bois.

5) Les arrêts rapportés ne contredisent pas néanmoins ceux cités ci-dessus (3) relatifs à l’activité de constructeur de maisons individuelles.

En effet, dans ce dernier cas, la clause a, pour conséquence d’exclure de la garantie certains travaux « dans l’exercice de sa profession d’entrepreneur », tandis que dans les arrêts rapportés – axés sur la déclaration de risque – il n’a pas été admis qu’un entrepreneur qui souscrit une assurance de responsabilité décennale pour un secteur d’activité déterminé et codifié dans la police d’assurance, puisse bénéficier d’une couverture d’assurance décennale en dehors de ce secteur d’activité déclarée (1re espèce), voire non codifié (2e espèce) « l’activité déclarée étant celle de pose avec ou sans fabrication de charpente de bois (portée maximale 15 m) ».

6) On aurait pu songer à l’application d’une réduction proportionnelle de l’indemnité pour omission ou déclaration inexacte du risque.

C’est justement ce qu’avait implicitement soutenu le demandeur au pourvoi dans la première espèce (arrêt de rejet), qui soutenait que la déclaration relative à l’activité professionnelle n’avait pour objet que de déterminer le montant de la prime, mais la Cour Suprême a négligé à juste titre l’argument.

Dans la deuxième espèce (arrêt de cassation), la Cour d’appel avait elle-même admis, pour l’écarter aussitôt, au prétexte qu’elle ne pouvait préjudicier à la victime du dommage, la réduction de l’indemnité suivant la règle proportionnelle dans les termes ci-après rapportés : « Tout au plus, l’aggravation du risque résultant de l’exercice d’une activité plus spécialisée que celle déclarée justifie l’application de la sanction prévue au 3e alinéa de l’article L. 113-9 du Code des assurances, soit la réduction de l’indemnité suivant la règle proportionnelle de prime, sans toutefois qu’elle puisse préjudicier à la victime du dommage ; qu’il appartiendra toutefois à la S.A.M.D.A. de faire valoir ses droits, en tant que de besoin, à l’encontre de la liquidation de la B.C.I. » !…

Ce faisant, la Cour d’appel contredisait la solution qui avait été antérieurement retenue par la Cour Suprême (Cass. civ. 1re, 6 décembre 1994, R.G.A.T. 1994.1105, note J. Bigot ; G.P. 11 au 13 juin 1995, note F. Lesage) et réitéré depuis (Cass. civ. 3e 23 avril 1997, Bull. civ. III, n° 85, cette dernière espèce ne statuant cependant qu’à propos des dommages immatériels exclus de l’assurance obligatoire).

Mais ici encore la Cour Suprême a négligé la question estimant n’y avoir pas lieu à statuer sur la troisième branche du moyen du pourvoi, critiquant notamment la violation de l’article 113-9 du Code des assurances.

C’est dire que la règle énoncée ci-dessus par les arrêts rapportés a valeur de principe majeur.

RGDA 1997 – 4 – p. 1044

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