Droit au respect du domicile et droit de propriété : confrontation délicate à l’aune du principe de proportionnalité  — Karila

Droit au respect du domicile et droit de propriété : confrontation délicate à l’aune du principe de proportionnalité 

  • L’expulsion de l’occupant sans droit ni titre d’un bien ne peut être considérée comme disproportionnée eu égard à la gravité de l’atteinte portée au droit de propriété, nonobstant son ingérence dans le droit au respect du domicile de l’occupant (1er et 2ème arrêts).
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  • Il appartient en revanche au juge d’apprécier la proportionnalité de la mesure de démolition d’une construction empiétant sur l’assiette de la servitude d’un fonds dominant, au regard du droit au respect du domicile du propriétaire du fond servant (3ème arrêt)
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  • De même, il appartient au juge d’apprécier la proportionnalité de la mesure de démolition d’une construction, et d’expulsion de ses occupants, sollicitée par une commune, au regard du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile, en cas d’aménagements réalisés sur un terrain, classé en zone naturelle par le plan local d’urbanisme, et de la construction d’un chalet en bois par le propriétaire dudit terrain (4ème arrêt)

Sources :

Cass. 3e, 4 juillet 2019, 18-17119, Publié
Cass. 3e, 28 novembre 2019, 17-22810, Publié
Cass. 3e, 19 décembre 2019, 18-25113, Publié
Cass. 3e, 16 janvier 2020, 19-10375, Publié

Extraits :

« Mais attendu que, l’expulsion étant la seule mesure de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien occupé illicitement, l’ingérence qui en résulte dans le droit au respect du domicile de l’occupant, protégé par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ne saurait être disproportionnée eu égard à la gravité de l’atteinte portée au droit de propriété ; qu’ayant retenu à bon droit que, le droit de propriété ayant un caractère absolu, toute occupation sans droit ni titre du bien d’autrui constitue un trouble manifestement illicite permettant aux propriétaires d’obtenir en référé l’expulsion des occupants, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche inopérante, a légalement justifié sa décision ; » (1er arrêt)

« Qu’en statuant ainsi, alors que, l’expulsion étant la seule mesure de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien occupé illicitement, l’ingérence qui en résulte dans le droit au respect du domicile de l’occupant ne saurait être disproportionnée eu égard à la gravité de l’atteinte portée au droit de propriété, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; » (2ème arrêt)

« Attendu que, pour ordonner la démolition de la construction, l’arrêt retient que, du fait de l’empiétement, le passage est réduit de moitié à hauteur du garage et qu’un déplacement de l’assiette de la servitude ne peut être imposé au propriétaire du fonds dominant que dans les conditions prévues à l’article 701, dernier alinéa, du code civil ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la mesure de démolition n’était pas disproportionnée au regard du droit au respect du domicile de Mme L… et de M. P…, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ; » (3ème arrêt)

« Pour accueillir la demande de démolition, l’arrêt retient que le droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile ne fait pas obstacle à la protection de l’environnement assurée par des dispositions d’urbanisme impératives destinées à préserver l’intérêt public de la commune et de ses habitants, que les droits fondamentaux invoqués par Mme X… et M. Y… ne sauraient ôter au trouble que constitue la violation réitérée et en toute connaissance de cause des règles d’urbanisme en vigueur son caractère manifestement illicite et que les mesures de démolition et d’expulsion sollicitées sont proportionnées au droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile de Mme X… et M. Y…, l’expulsion devant s’entendre des constructions à vocation d’habitation édifiées sur la parcelle […] et non de l’ensemble de la parcelle puisque Mme X… en est propriétaire.

En se déterminant ainsi, par un motif inopérant tiré de ce que la mesure d’expulsion ne concerne que les constructions à usage d’habitation, sans rechercher concrètement, comme il le lui était demandé, si les mesures ordonnées étaient proportionnées au regard du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile de Mme X… et de M. Y…, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. » (4ème arrêt)