Effet interruptif du recours subrogatoire avant paiement (Cass. 3e civ., 21 septembre 2011) — Karila

Effet interruptif du recours subrogatoire avant paiement (Cass. 3e civ., 21 septembre 2011)

Ancien ID : 954

Jean-Pierre et Laurent Karila – RGDA n° 2012-01, P. 73

Assurance construction – Assurance dommages ouvrage – Subrogation. Action en garantie. Paiement. Effet interruptif de l’action avant paiement (Cass. 3e civ., 21 septembre 2011)

La Cour d’appel qui constate que le délai de 10 ans courant à compter de la réception des travaux, interrompu par une assignation en référé expertise du 8 avril 1993, un nouveau délai de 10 ans ayant commencé à courir à compter du 4 mai 1993, date de l’ordonnance, avait expiré le 4 mai 2003 sans qu’aucun acte interruptif ne soit intervenu à la diligence du syndicat des copropriétaires qui s’était par ailleurs désisté de son instance au fond dont l’effet interruptif avait été anéanti par ledit désistement, en déduit exactement que dès lors que l’assignation délivrée en 2004 par l’assureur dommages ouvrage, venant aux droits du syndicat, étant intervenue plus de 10 ans après le 4 mai 1993 la prescription était acquise au bénéfice des constructeurs, sous-traitants et assureurs mis en cause uniquement par l’assureur dommages ouvrage qui tient ses droits du syndicat des copropriétaires.

Cour de cassation (3e Ch. civ.) 21 septembre 2011 Pourvoi n° 10-20543

Non publié au Bulletin

Aviva c/ A + A Architectes et autres

« La Cour,

Attendu que, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 10 mai 2010), qu’en 1989/ 1990, la société Sotrafim, aux droits de laquelle se trouve la société Eiffage immobilier (Eiffage), maître de l’ouvrage, assurée selon « dommages-ouvrage » par la société Aviva assurances (Aviva), venant aux droits de la société Abeille assurances, a, sous la maîtrise d’œuvre de la société A + A Architectes, assurée par la Société mutuelle des architectes français, et avec le concours de la société Qualiconsult, bureau de contrôle technique, chargé, par marché d’entreprise générale, la société Sopac, de la construction d’un groupe d’immeubles comprenant deux bâtiments collectifs et 36 maisons individuelles, vendus, par lots, en l’état futur d’achèvement, et, soumis au statut de la copropriété dénommé « La résidence des Terrasses de Jouy » ; que la société Sopac a sous-traité le lot « gros-œuvre », à la société Destas, à la société CBI, à la société Domluc construction, ces trois sociétés étant assurées par la Société mutuelle d’assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), à la société Nels, depuis lors en liquidation judiciaire, avec pour mandataire liquidateur M. A…, assurée par la société Allianz, et, à M. B…, assuré par la société Swisslife, venant aux droits de la société Lloyd Continental, le lot « terrassement, assainissement, voirie, tranchées, fourreaux PTT, eau » à la société Franco, depuis lors en liquidation judiciaire, avec pour mandataire liquidateur M. C…, assurée par la société Allianz, le lot « ventilations mécaniques contrôlées » à la société Citeb 77, depuis lors en liquidation judiciaire, avec pour mandataire liquidateur M. Garnier, assurée par la société Mutuelles assurances artisanales de France (MAAF), le lot « charpente, couverture, zinguerie » à M. Mongelli, assuré par la société Thelem assurances, à la société ATZ couvertures, depuis lors en liquidation judiciaire, avec pour mandataire liquidateur la société « Leblanc, Lehericy, Herbaut », assurée par la société MAAF, et, à la société Marie et compagnie, assurée par la SMABTP, le lot « carrelage, faïence, sols souples », à la société CPLC, assurée par la société Axa France IARD (Axa), le lot « menuiseries intérieures, cloisons, doublages, faux-plafonds, isolation » à la société Diogo Fernandes, assurée par la société Axa, et le lot « étanchéité » à la société Etandex, assurée par la SMABTP ; que la réception est intervenue le 27 septembre 1991 avec des réserves ; que des désordres ayant été constatés, le syndicat des copropriétaires de la résidence « Les terrasses de Jouy » (le syndicat) et certains copropriétaires ont, par acte du 8 avril 1993, assigné en référé expertise la société Sotrafim et la société Aviva ; que les opérations d’expertise ordonnées le 4 mai 1993 ont, sur la demande de la société Aviva, été rendues communes par ordonnance des 9 décembre 1993 et 15 janvier 2002 à certains constructeurs et sous-traitants et à leurs assureurs ; qu’après avoir, par acte du 1er juillet 2002, assigné en réparation les sociétés Aviva, Sotrafim, Sopac et A + A Architectes, et, l’expert ayant déposé son rapport le 25 avril 2003, avoir reçu le 5 avril 2004, en exécution d’un « protocole d’accord » signé le 10 mars 2004 avec la société Aviva en sa qualité d’assureur dommages ouvrage, la somme de 786 853,58 euros, venant s’ajouter au versement d’une provision de 88 007,15 euros effectué le 12 janvier 2000, le syndicat s’est désisté de son instance par conclusions signifiées le 14 juin 2004, ce désistement ayant été constaté par jugement du 9 janvier 2007 ; que, parallèlement, la société Aviva, subrogée dans les droits du syndicat, a, en novembre 2004, assigné en remboursement de la somme en principal de 874 860,73 euros la société Eiffage, la société A + A Architectes, la société Qualiconsult, des sous-traitants et les assureurs ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Aviva fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite son action à l’encontre de la société Eiffage et de la société A + A Architectes, alors, selon le moyen :

1o/ que toute décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d’expertise ordonnée par une précédente décision a un effet interruptif de prescription à l’égard de toutes les parties, y compris à l’égard de celles appelées uniquement à la procédure initiale, et pour tous les chefs de préjudice procédant du sinistre en litige, et ce même si elle n’émane pas du demandeur de la procédure ayant abouti à l’ordonnance initiale ; que la cour d’appel, qui, pour déclarer irrecevable comme prescrite l’action de la société Aviva à l’égard des sociétés Eiffage et A + A Architectes, a jugé que le délai de dix ans, courant à compter de la réception des travaux en 1991, n’avait été interrompu qu’une seule fois en 1993 par le syndicat des copropriétaires, qui n’était en revanche pas l’auteur des assignations ultérieures, de sorte que ces dernières, émises par la société Aviva, n’avaient pas interrompu le délai, a ajouté à tort aux articles 1147, 1792 et 2244 ancien du Code civil une condition qu’ils ne comportent pas, en violation de ces textes ;

2o/ que l’assureur qui a indemnisé son assuré est subrogé dans les droits et actions de ce dernier à hauteur du paiement effectué contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur ; que la société Aviva faisait valoir, quittance à l’appui, qu’elle avait versé au syndicat des copropriétaires, le 12 janvier 2000, une provision à valoir sur l’indemnité définitive, d’un montant de 88 007,15 euros, de sorte qu’elle était au moins subrogée dans une partie des droits de son assuré dès cette date ; que la cour d’appel qui a jugé que la société Aviva n’était pas subrogée dans les droits de son assuré aux dates des ordonnances des 9 décembre 1993 et 15 janvier 2002, de sorte qu’elle ne pouvait bénéficier en cette qualité de l’effet interruptif des assignations délivrées en son nom propre, a méconnu les dispositions des articles L. 121-12 du Code des assurances et 1249 du Code civil ;

Mais attendu, d’une part, qu’ayant relevé que le délai de dix ans courant à compter de la réception des travaux avait été interrompu par l’assignation en référé expertise délivrée par le syndicat le 8 avril 1993 que le nouveau délai de dix ans, qui avait couru à partir de l’ordonnance du 4 mai 1993 désignant l’expert, avait expiré le 4 mai 2003, qu’aucun acte interruptif de prescription n’était intervenu dans ce délai à la diligence du syndicat, que l’effet interruptif de son assignation au fond avait été anéanti par son désistement d’instance du 14 juin 2004 constaté par le jugement du 9 janvier 2007, et ayant justement retenu que les ordonnances de référé des 9 décembre 1993 et du 15 janvier 2002 n’avaient pas fait courir au profit du syndicat, duquel l’assureur dommages ouvrage tient ses droits, de nouveaux délais de dix ans puisque les assignations de novembre 1993 et de décembre 2001 avaient été délivrées par la seule société Aviva qui n’était alors pas subrogée dans les droits du syndicat, la cour d’appel en a exactement déduit que l’assignation délivrée en novembre 2004 par la société Aviva, venant aux droits du syndicat, était intervenue plus de dix ans après le 4 mai 1993 et que la prescription était acquise au bénéfice des sociétés Eiffage et A + A Architectes ;

Attendu, d’autre part, que la société Aviva n’ayant pas fait valoir dans ses conclusions, au soutien de la recevabilité de son action, qu’elle était au moins subrogée dans une partie des droits de son assuré dès le 12 janvier 2000, date du versement d’une provision à valoir sur l’indemnité définitive, de telle sorte qu’elle pouvait bénéficier en cette qualité des assignations délivrées en son nom propre, le moyen est dépourvu de portée ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Aviva fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite son action à l’encontre des sous-traitants et de leurs assureurs, alors, selon le moyen, que toute décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d’expertise ordonnée par une précédente décision a un effet interruptif de prescription à l’égard de toutes les parties, y compris à l’égard de celles appelées uniquement à la procédure initiale, et pour tous les chefs de préjudice procédant du sinistre en litige, et ce même si elle n’émane pas du demandeur de la procédure ayant abouti à l’ordonnance initiale ; que la cour d’appel, qui, pour déclarer irrecevable comme prescrite l’action de la société Aviva à l’égard des sous-traitants et de leurs assureurs, a jugé que le délai de dix ans courant à compter de l’apparition des désordres en avril 1993, date de l’assignation en référé-expertise, n’avait pas été interrompu, le syndicat des copropriétaires n’ayant pas sollicité l’extension de la mission de l’expert ni assigné les sous-traitants et leurs assureurs, de sorte que l’action était déjà prescrite à la date du protocole d’accord de 2004, a ajouté à tort aux articles 1382 et 2244 ancien du Code civil une condition qu’ils ne comportent pas, en violation de ces textes ;

Mais attendu qu’ayant constaté que les désordres étaient apparus en 1993, date de l’assignation délivrée par le syndicat, que le délai de prescription de dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation avait commencé à courir à compter de l’ordonnance du 4 mai 1993 désignant l’expert, que le syndicat n’avait pas sollicité l’extension de la mission de l’expert à des désordres autres que ceux visés dans son assignation initiale, ni assigné les sous-traitants et leurs assureurs, qu’à la date du « protocole d’accord » du 10 mars 2004, le syndicat n’ayant plus d’action contre les sous-traitants et leurs assureurs, cette action étant prescrite depuis le 4 mai 2003, n’avait pu transmettre aucune action contre ces derniers, et ayant justement retenu que les ordonnances de référé des 9 décembre 1993 et du 15 janvier 2002 n’avaient pas fait courir au profit du syndicat, duquel l’assureur dommages ouvrage tient ses droits, de nouveaux délais de dix ans puisque les assignations de novembre 1993 et de décembre 2001 avaient été délivrées par la seule société Aviva qui n’était alors pas subrogée dans les droits du syndicat, la cour d’appel en a exactement déduit que l’assignation délivrée en novembre 2004 par la société Aviva, venant aux droits du syndicat, étant intervenue plus de dix ans après le 4 mai 1993, la prescription était acquise au bénéfice des sous-traitants et de leurs assureurs ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Par ces motifs :

Rejette le pourvoi… »

Note

1. L’arrêt rapporté est intéressant à double titre :

• D’abord en ce qu’il a trait à la question de l’étendue de l’effet interruptif d’une ordonnance de référé ayant pour objet et effet d’étendre ou de modifier la mission d’un expert désigné par une précédente ordonnance de référé, la question étant de déterminer, dans le cadre d’ordonnances de référé successives si l’interruption attachée à l’une de celles-ci, rendue dans ce contexte, est strictement limitée, notamment quant aux personnes attraites en justice par l’assignation ayant donné lieu à l’ordonnance de référé en question, ou s’étend erga omnes, y compris aux personnes parties à des précédentes ordonnances de référé, en particulier aux personnes parties à l’ordonnance de référé initiale ayant désigné l’expert.

• Ensuite en ce qui concerne la détermination des conséquences de l’initiative procédurale d’un assureur dommages ouvrage aux fins ci-dessus évoquées, de voir étendre ou modifier la mission d’un expert précédemment désigné à son contradictoire, au regard du bénéficiaire de l’assurance, dont il n’est pas – à défaut du paiement de l’indemnité d’assurance – encore subrogé dans les droits et actions au moment de l’introduction de son action.

2. Les deux questions sont de facto souvent liées comme l’illustre l’arrêt rapporté.

3. Pour mieux apprécier la portée de l’arrêt rapporté et notre commentaire, il est indispensable de rappeler les faits dans leur stricte chronologie.

• En 1989/1990 la Société Sotrafim aux droits de laquelle succède la Société Eiffage Immobilier (ci-après dénommée Eiffage) faisait édifier un ensemble immobilier comprenant des immeubles collectifs et 36 maisons individuelles destinés à être vendus en l’état futur d’achèvement et souscrivait à cette occasion comme elle y était d’ailleurs légalement obligée une assurance dommages ouvrage auprès de la Compagnie Abeille devenue Aviva Assurance (ci-après Aviva).

• Postérieurement à la réception prononcée avec réserves le 27 septembre 1991 survenaient de nouveaux désordres conduisant le syndicat des copropriétaires à saisir le Juge des Référés d’une demande de désignation d’expert à laquelle il a été satisfait par ordonnance de référé du 4 mai 1993, ordonnance rendue au contradictoire du vendeur en l’état futur d’achèvement Sotrafim et de l’assureur dommages ouvrage Aviva.

• Aviva faisait ensuite étendre les opérations d’expertise à l’encontre de certains constructeurs et de leurs assureurs de responsabilité par ordonnance de référé rendue le 9 décembre 1993 puis à l’encontre des sous-traitants et de leurs assureurs de responsabilité par ordonnance de référé du 15 janvier 2002.

• Le 1er juillet 2002 le syndicat des copropriétaires assignait au fond Sofratim (devenu Eiffage) vendeur en Vefa, l’entrepreneur général, les architectes et l’assureur dommages ouvrage Aviva.

• Au cours de l’instance, l’expert déposait son rapport définitif le 25 avril 2003 tandis qu’un protocole d’accord intervenait le 10 mars 2004 entre le syndicat des copropriétaires et l’assureur dommages ouvrage Aviva qui réglait le 5 avril 2004, en exécution de ce protocole d’accord à une indemnité substantielle complémentant un précédant règlement qui avait été effectué dès janvier 2000.

• Dans ce contexte, le syndicat des copropriétaires ayant été indemnisé par son assureur dommages ouvrage se désistait par conclusions du 14 juin 2004 de son instance et de son action à l’encontre de toutes les parties qu’il avait mises en cause, c’est-à-dire à l’encontre de l’assureur dommages ouvrage Aviva mais également à l’encontre du vendeur en Vefa, de l’entrepreneur principal et des architectes.

• En novembre 2004 Aviva, subrogée dans les droits et actions du Syndicat des Copropriétaires en vertu du protocole d’accord précité du 10 mars 2004 et du paiement effectué le 5 avril 2004, saisissait le juge du fond d’une action en remboursement à l’encontre d’Eiffage (mais seulement au titre de la responsabilité contractuelle de celle-ci puisqu’aussi bien Aviva était son assureur au titre de la responsabilité décennale suivant police CNR) et des constructeurs soit au titre de la garantie décennale de ceux-ci, soit au titre de leur responsabilité de droit commun selon les cas (constructeurs ou sous-traitants) ainsi que bien évidemment les assureurs.

• Le Tribunal de Grande Instance de Versailles puis la Cour de Versailles déclaraient Aviva, assureur dommages ouvrage, irrecevable en ses demandes et actions à l’égard des précités.

Économie de l’arrêt de la Cour de Versailles frappé de pourvoi

4. Après avoir relevé et jugé qu’Aviva était subrogée dans les droits et actions du Syndicat des Copropriétaires en vertu du protocole d’accord du 10 mars 2004 et du paiement effectué le 5 avril 2004 prévu à ce protocole et que les droits et actions d’Aviva sont «  en conséquence exclusivement ceux du syndicat des copropriétaires, Aviva ne pouvant pas invoquer ou réclamer plus de droits que le syndicat…  », la Cour de Versailles a dit et jugé :

– s’agissant de l’action d’Aviva à l’encontre d’Eiffage (vendeur en Vefa) et des constructeurs :

• que la prescription décennale visée à l’article 2270 du Code civil (implicite) et la même prescription décennale pour l’action en responsabilité de droit commun, courait à compter de la réception du 27 septembre 1991 et qu’ayant été interrompue par l’assignation en référé expertise délivrée le 8 avril 1993 avait recommencé à courir à compter du 4 mai 1993, date de l’ordonnance de référé désignant l’expert, de sorte que le délai précité de 10 ans avait expiré le 4 mai 2003 ;

• qu’entre le 4 mai 1993 et le 4 mai 2003 aucun acte interruptif de prescription n’était intervenu à la diligence du syndicat puisque :

– le syndicat des copropriétaires n’avait assigné en ordonnance commune ou en extension de mission les sous-traitants et leurs assureurs ni en novembre 1993 (ordonnance de référé du 9 décembre 1993) ni en décembre 2001 (ordonnance de référé du 15 janvier 2002) ;

– l’effet interruptif de l’assignation au fond du 1er juillet 2002 du syndicat des copropriétaires avait été anéanti par son désistement d’instance du 14 juin 2004 constaté par jugement du 9 janvier 2007.

– s’agissant de l’action d’Aviva subrogée dans les droits du Syndicat à l’encontre de certains constructeurs (sous-traitants) et de leurs assureurs de responsabilité :

• que la prescription de cette action délictuelle est de 10 ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation en application de l’article 2270-1 alinéa 1 ancien dans sa rédaction issue de la loi du 5 juillet 1985 ;

• que les désordres sont apparus en avril 1993, date de l’assignation en référé expertise délivrée par le syndicat des copropriétaires ;

• qu’un délai de 10 ans a donc commencé à courir le 4 mai 1993, date de l’ordonnance de référé désignant l’expert ;

• que le syndicat des copropriétaires n’avait jamais assigné les sous-traitants et leurs assureurs ;

• qu’à la date du protocole d’accord du 10 mars 2004 le syndicat des copropriétaires n’avait déjà plus d’action contre les sous-traitants et leurs assureurs, cette action étant prescrite depuis le 4 mai 2003 ;

• qu’ainsi le syndicat des copropriétaires n’a pu transmettre au profit de l’assureur Aviva aucune action contre les sous-traitants et leurs assureurs.

• que l’assignation délivrée en novembre 2004 par Aviva venant aux droits du syndicat des copropriétaires étant intervenue plus de 10 ans à compter du 4 mai 1993 la prescription était acquise au bénéfice des sous-traitants et de leurs assureurs.

Moyens de cassation et solution adoptée par la Haute Juridiction concernant l’effet interruptif des citations de justice délivrées successivement dans une même affaire

5. Aviva faisait grief à la Cour de Versailles de l’avoir déclaré irrecevable et prescrite en son action, tant à l’égard d’Eiffage, et des architectes (premier moyen comportant 2 branches) qu’à l’égard des sous-traitants et de leurs assureurs (deuxième moyen).

La première branche du premier moyen comme le second moyen peuvent être examinés ensemble, les critiques d’Aviva, comme elle le précise elle-même dans son mémoire ampliatif étant identiques et faisant référence « aux mêmes règles légales et jurisprudentielle ».

La seconde branche du moyen est en revanche spécifique à la question de la subrogation.

6. À l’appui de la première branche du premier moyen Aviva prétendait à la violation des articles 1147, 1792 et 2244 du Code civil au motif que toute décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d’expertise ordonnée par une précédente décision a un effet interruptif de prescription à l’égard de toutes les parties y compris à l’égard de celles appelées uniquement à la procédure initiale.

Le second moyen prétendait quant à lui à la violation des articles 1382 et 2244 (ancien du Code civil) pour les mêmes motifs.

Au soutien de ces prétentions (première branche du premier moyen et second moyen) Aviva invoquait un arrêt de la 1re Chambre civile du 27 janvier 2004 (Cass. 1re civ., 27 janvier 2004, no 01-10748) un arrêt de la 3e Chambre civile du 24 février 2009 (Cass. 3e civ., no 08-12476), et « surtout » un arrêt de la 2e Chambre civile du 3 septembre 2009 (Cass. 2e civ., 3 septembre 2009, no 08-180668).

7. Une telle argumentation ne pouvait, a priori, prospérer devant la 3e Chambre civile. On rappellera en effet que l’arrêt précité du 24 février 2009 rendu par ladite 3e Chambre civile et qu’invoquait Aviva était complètement dépassé par notamment :

– un arrêt remarqué du 18 novembre 2009 (Cass. 3e civ., 18 novembre 2009, no 08-13648 et no 08-13673, Bull. civ. III, no 250, RGDA 2010, p.76, note J-P. Karila) qui énonce que pour être interruptive de prescription la citation en justice doit être adressée à celui que l’on veut empêcher de prescrire et décide en conséquence «  dès lors l’assignation délivrée par l’assureur dommages ouvrage à un constructeur n’est pas interruptive de prescription au profit du maître de l’ouvrage  » (titrage/résumé rédigé par la Cour elle-même) qui n’avait pas assigné ledit constructeur ;

– un arrêt du 3 mars 2010 (Cass. 3e civ., no 09-11070) qui énonce : « Mais attendu qu’ayant relevé que la réception des travaux avait été prononcée les 28 août 1991 et 16 septembre 1991, que le syndicat avait agi en référé le 1er août 2000 à l’encontre de la société Axa assureur dommages ouvrage, qu’une expertise avait été ordonnée sur cette demande le 13 septembre 2000, que les opérations de l’expert avaient été étendues, à la seule demande de la société Axa, à certains constructeurs et à leurs assureurs, les 6 décembre 2000 et 13 juin 2001 et que le syndicat n’avait cité aucun des intervenants à la construction avant les 28 août 2001 et 16 septembre 2001, la cour d’appel a, abstraction faite d’un motif erroné […] exactement retenu que la désignation d’expert à la seule demande de la société Axa n’avait pas interrompu la prescription au bénéfice du syndicat et que l’action de celui-ci à l’égard des constructeurs et des assureurs mis en cause était irrecevable comme prescrite  » ;

– un arrêt du 2 mars 2011 (Cass. 3e civ., no 10-30295, inédit) qui rappelle que pour être interruptive de prescription la citation en justice doit être adressée à celui que l’on veut empêcher de prescrire d’une part et déclare prescrite l’action au fond d’un syndicat des copropriétaires qui n’avait assigné en référé que l’assureur dommages ouvrage tandis que les ordonnances de référé rendues ultérieurement pour voir rendre communes à certains constructeurs et à leurs assureurs de responsabilité l’ordonnance initiale ne l’avaient pas été par ledit syndicat des copropriétaires d’autre part.

La 3e Chambre civile revenant ainsi à sa position initiale telle qu’exprimée notamment par un arrêt du 21 mai 2008 (Cass. 3e civ., no 07-13561, Bull. civ. III, no138, RGDA 2008, p. 639, note J-P. Karila ; RDI 2008, p. 392, obs. Ph. Malinvaud).

Le moyen ne pouvait donc prospérer, à l’inverse de la solution qui aurait été retenue par la 2e Chambre civile, qui adopte, quant à ce, une position diamétralement opposée à la 3e Chambre civile de sorte que nous avons appelé – sans être entendus jusqu’ici – à la tenue d’une Assemblée Plénière ou pour le moins d’une Chambre mixte.

(Sur la jurisprudence de la 2e Chambre civile et la genèse de l’opposition entre les différentes formations de la Haute Juridiction, voir note précitée sous l’arrêt précité du 18 novembre 2009).

8. On précisera enfin qu’il est inexact, comme il est parfois prétendu et l’avait d’ailleurs affirmé la Cour de Versailles, dans son arrêt frappé de pourvoi, que l’extension de l’effet interruptif à d’autres personnes que celles visées dans la citation en justice est réservé à la seule hypothèse où il y aurait identité entre l’auteur de la première assignation en référé expertise et celles subséquentes tendant à voir rendre commune à d’autres personnes que celles initialement mises en cause les opérations d’expertise ordonnées par la première ordonnance de référé.

En effet, l’examen de la jurisprudence rendue par la 1re Chambre civile (Cass. 1re civ., 27 janvier 2004, no 01-10748) ainsi que par la 2e Chambre civile (Cass. 2e civ., 3 septembre 2009, no 08-18068 ; Cass. 2e civ., 22 octobre 2009, no 08-19840, Bull. civ. II, no 252 [implicite]) permet de constater que l’effet erga omnes attribué par ses compositions de la Haute Juridiction est admis alors même que l’ordonnance de référé ayant conduit à un tel effet interruptif a été rendue à l’initiative d’un demandeur différent du demandeur initial qui avait obtenu à l’origine la désignation de l’expert.

Moyens de cassation et solution adoptée par la Haute Juridiction concernant la recevabilité de l’action subrogatoire de l’assureur

9. De facto la seconde branche du premier moyen et le second moyen de cassation relatifs à la subrogation de l’assureur sont extrêmement succincts.

Dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, l’assureur prétendait à la violation des articles L. 121-12 du Code des assurances et 1949 du Code civil.

En substance, l’assureur dommages ouvrage reprochait aux termes de la seconde branche du premier moyen et du second moyen à la Cour de Versailles :

– d’avoir estimé qu’il était nécessaire qu’il soit subrogé pour interrompre la prescription (seconde branche du premier moyen) ;

– d’avoir ignoré le fait que les assignations en référé ayant donné lieu aux ordonnances de référé des 9 décembre 1993 et 15 janvier 2002 avaient nécessairement eu un effet interruptif d’une part, et que le syndicat des copropriétaires avait bien transmis, par l’effet du protocole d’accord de mars 2004, l’intégralité de ses droits et actions, d’autre part.

Étant précisé que l’assureur se prévalait également d’un argument inopérant (seconde branche du premier moyen) selon lequel il était pour le moins subrogé partiellement dans les droits du syndicat des copropriétaires dès janvier 2000, donc avant les assignations de décembre 2001 ayant conduit à l’ordonnance de référé précitée du 15 janvier 2002 pour avoir réglé en janvier 2000 une première indemnité, moyen inopérant puisqu’aussi bien l’assureur n’en avait pas fait état devant le juge du fond.

10. La Cour de cassation valide l’arrêt de la Cour de Versailles après avoir rejeté le moyen inopérant tiré de la prétention à une subrogation partielle que l’assureur n’avait pas fait valoir devant le juge du fond d’une part, et relevé que le syndicat des copropriétaires n’avait pas sollicité l’extension de la mission de l’expert à des désordres autres que ceux visés dans son assignation principale ni assigné les sous-traitants et leur assureur, qu’ainsi à la date du protocole d’accord du 10 mars 2004 le syndicat des copropriétaires ne disposait déjà plus d’action à l’encontre de ces derniers (sous-traitants et assureur), l’action étant prescrite depuis le 4 mai 2003, les assignations en référé ayant donné lieu aux ordonnances de référé du 9 décembre 1993 et 15 janvier 2002, n’avaient pas fait courir au profit du syndicat, duquel l’assureur dommages ouvrage tient ses droits, de nouveaux délais de 10 ans puisque les assignations de novembre 1993 et décembre 2001 avaient été délivrées par la seule Société Aviva qui n’était alors pas subrogée dans les droits du syndicat, la validation de l’arrêt étant opérée au motif que «  la cour d’appel en a exactement déduit que l’assignation délivrée en novembre 2004 par la Société Aviva, venant aux droits du syndicat, était intervenue plus de 10 ans après le 4 mai 1993, la prescription était acquise au bénéfice des sous-traitants et de leurs assureurs ».

Le motif décisoire est donc, à défaut de paiement de l’indemnité d’assurance au moment de l’introduction de l’action et par voie de conséquence en l’absence de subrogation, l’absence de tout effet interruptif au profit du syndicat des copropriétaires et donc de l’assureur dommages ouvrage venant aux droits de celui-ci des assignations en référé et ordonnances subséquentes rendues à l’initiative de l’assureur dommages ouvrage à l’encontre de constructeurs et des assureurs que le syndicat n’avait pas attrait en la cause.

11. Pour apprécier la pertinence du raisonnement de la Haute Juridiction et la solution retenue par l’arrêt rapporté, il est important de se garder de confondre la question de la subrogation qui suppose que l’assureur ait déjà payé l’indemnité d’assurance de celle de l’action en garantie qui par définition, suppose que l’assureur n’ait pas déjà payé ladite indemnité ou encore n’ait pas encore réglé les condamnations prononcées à son encontre, action en garantie dont le succès constitue de facto un détournement du principe selon lequel il n’existerait pas de subrogation in futurum.

Plus précisément il faut se garder de confondre :

– la question de la recevabilité de l’action subrogatoire de l’assureur dommages ouvrage et des conditions de fond de celle-ci ;

– de la question de la recevabilité de l’action en garantie de l’assureur dommages ouvrage et des conditions de fond de celle-ci.

1. Conditions de la recevabilité de l’action subrogatoire et conditions de fond de ladite action

12. Alors même que la jurisprudence n’admet pas formellement la subrogation in futurum, il reste qu’il est admis depuis plus d’une décennie que l’action de l’assureur Dommages Ouvrage qui n’a pas encore payé l’indemnité est recevable si elle est engagée avant l’expiration du délai de forclusion décennale d’une part, et est justifiée au fond si le paiement est effectué avant que le juge du fond ait statué sur ladite action subrogatoire d’autre part.

– Cass. 3e civ., no 98-19505, Bull. civ. III, no 67 ;

– Cass. 3e civ., 4 avril 2001, no 99-16554, inédit ;

– Cass. 1re civ., 9 octobre 2001, no 98-18378, Bull. civ. I, no 245, RGDA 2001, p. 975, note J.-P. Karila, RDI 2002, p. 31, obs. G. Durry,

– Cass. 3e civ., 21 janvier 2004, no 02-14391, RGDA 2004, p.454, note J-P. Karila,

– Cass. 3e civ., 22 juin 2010, no 09-15798, inédit.

Les décisions précitées tiennent compte de la double condition ci-dessus évoquée sans considération de la date du paiement, seul important, en ce qui concerne le paiement que celui-ci ait été effectué avant que le juge au fond n’ait statué.

Ainsi l’action de l’assureur est recevable alors même qu’il n’a pas encore procédé au paiement et qu’il n’est pas déjà subrogé dans les droits de l’assuré, et est fondée dès lors que le paiement est effectué avant que le juge n’ait statué au fond, peu important la date de ce paiement.

Pour une validation au fond d’une action subrogatoire à propos d’un paiement postérieurement à la forclusion décennale avant que le juge au fond n’ait statué (voir Cass. 3e civ., 4 avril 2001, précité ; Cass. 3e civ., 9 octobre 2001 précité ; Cass. 3e civ., 21 juin 2010 précité pour un paiement postérieur à la forclusion décennale en vertu d’une action en référé provision avant la saisine du juge du fond).

2. Conditions de la recevabilité de l’action en garantie et conditions de fond de celle-ci

13. Aucune question de recevabilité de l’action en garantie de l’assureur dommages ouvrage ne peut se poser au regard du paiement de l’indemnité puisque par hypothèse il n’a pas payé celle-ci tandis qu’il est l’objet, avec d’autres, à l’initiative de son assuré ou d’autres, d’une action en paiement du coût de réparation des dommages de nature de ceux dont sont responsables les constructeurs en vertu des articles 1792 et 1792-2 du Code civil, et que dans ce cadre il exerce une action récursoire à l’encontre de certains constructeurs et assureurs.

La recevabilité de l’action en garantie est seulement subordonnée à l’absence, au moment de son introduction, de l’expiration du délai décennal.

On se réfèrera à cet égard à un arrêt du 10 décembre 2003 (Cass. 3e civ., 10 décembre 2003, no 01-00614, Bull. civ. III, no225) rendu au visa de l’article L. 121-12 du Code des assurances relatif à la subrogation de l’assureur qui a payé une indemnité d’assurance, ensemble les articles 126, 334 et 336 anciens du Code de procédure civile relatifs aux fins de non-recevoir et à l’action en garantie, arrêt qui énonce, pour censurer un arrêt de la Cour de Toulouse :

« Qu’en statuant ainsi, alors qu’une partie assignée en justice est en droit d’en appeler une autre en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle, une telle action étant distincte de l’action directe prévue par le Code des assurances et ne supposant pas que l’appelant en garantie ait déjà indemnisé le demandeur initial, et qu’est recevable l’action engagée par l’assureur avant l’expiration du délai de forclusion décennale, bien qu’il n’ait pas eu, au moment de la délivrance de son assignation, la qualité de subrogé dans les droits de son assuré, dès lors qu’il a payé l’indemnité due à ce dernier avant que le juge du fond n’ait statué, la cour d’appel a violé les textes susvisés  ».

Étant incidemment observé que le rappel de l’opposition entre action en garantie et action directe est ici inadapté s’agissant d’une assurance de choses et non d’une assurance de responsabilité à propos de laquelle la 1re Chambre civile avait par un arrêt du 21 janvier 1997 (Cass. 1e civ., 21 janvier 1997, no 94-19689, Bull. civ. I, no 24, RCA 1997, Chronique H. Groutel ; RGDA 1997, p. 542, note L. Mayaux) posé cette distinction nécessaire.

Il suffisait en la circonstance de retenir qu’une partie assignée en justice est en droit d’en appeler une autre en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, la distinction entre action en garantie et action directe étant inutile et inadaptée en assurance de choses.

Cette « maladresse » a été rattrapée dans un arrêt postérieur du 30 janvier 2008 (Cass. 3e civ., 30 janvier 2008, no 06-19100) qui se contente d’énoncer que :

« Mais attendu qu’une partie assignée en justice est en droit d’en appeler une autre en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle ; qu’ayant relevé qu’assignée en garantie par son assuré, la société AGF avait appelé en garantie les responsables des désordres et leurs assureurs, la cour d’appel en a exactement déduit que cette société serait, après paiement, subrogée dans les droits et actions des sociétés maîtres de l’ouvrage et, donc, recevable à agir à titre récursoire à l’encontre des constructeurs et de leurs assureurs ».

On voit, au travers de ce dernier arrêt que l’action en garantie est un moyen de contourner, sinon de détourner le principe de la non-admissibilité d’une subrogation in futurum.

On voit aussi aux termes de l’arrêt précité du 10 décembre 2003, comme d’ailleurs aux termes de l’arrêt précité du 30 janvier 2008, qu’une action en garantie peut se transformer en cours d’instance en une action subrogatoire (voir sur ce point l’arrêt rendu en matière d’assurance de responsabilité : Cass. 3e civ., 27 février 2008, no 06-19348 et no 06-19416, RCA 2008, Comm. 153, note H. Groutel).

Sur le fond le succès de l’action en garantie de l’assureur dommages ouvrage ne pose, a priori pas de difficulté dans la mesure où l’assurance dommages ouvrage n’est qu’une assurance de préfinancement de réparation de désordres de nature décennale.

15. On soulignera ici que les arrêts précités de la Cour de cassation (supra no 12) ont été rendus à l’occasion d’arrêts de fond de juges du fond et non d’arrêts de référé. Il en est également ainsi en ce qui concerne les arrêts précités rendus à l’occasion d’action en garantie (supra no 13).

16. Dans ce contexte, et à s’en tenir strictement à l’action subrogatoire de l’assureur Aviva, l’arrêt rapporté peut se justifier puisque le paiement opéré en avril 2004 l’avait été plus de 10 ans après l’interruption de la prescription biennale acquise depuis le 4 mai 2003 (10 ans après l’ordonnance de référé du 4 mai 1993 rendue à l’initiative du syndicat des copropriétaires mais seulement au contradictoire du vendeur en Vefa et de l’assureur dommages ouvrage) d’une part, et que l’assureur dommages ouvrage qui détenait ses droits – dans le cas d’une action subrogatoire – exclusivement de ceux du Syndicat n’avait pu interrompre au profit de celui-ci, par l’effet de ses assignations de novembre 1993 (ordonnance de référé du 9 décembre 1993) et décembre 2001 (ordonnance de référé du 15 janvier 2002) le cours du délai de la prescription décennale.

17. L’arrêt de la cour d’appel de Versailles aurait pu néanmoins être censuré si la Haute Juridiction avait qualifié/analysé les actions en référé de l’assureur dommages ouvrage délivrées en novembre 1993 (ordonnance du 9 décembre 1993) et en décembre 2001 (ordonnance de référé du 15 janvier 2002), comme étant des actions en garantie, celles-ci ayant alors été délivrées dans le délai de la prescription décennale courant jusqu’au 4 mai 2003 par suite de l’interruption résultant de l’ordonnance de référé du 4 mai 1993, peu important en conséquence que le paiement de l’assureur ait été effectué en avril 2004 (voir supra no 12 et 13).

Deux précédents autorisent un tel avis étant néanmoins observé qu’Aviva prétendait avoir exercé une action subrogatoire et non une action en garantie…

Il s’agit des deux arrêts suivants :

– un arrêt du 4 juin 2009 (Cass. 3e civ., 4 juin 2009, no 07-18960) publié au Bulletin ;

– un arrêt du 8 septembre 2009 (Cass. 3e civ., 8 septembre 2009, no 08-17012) publié au Bulletin.

Aux termes du premier arrêt ci-dessus évoqué du 4 juin 2009, la Haute Juridiction a validé un arrêt de la Cour de Paris à laquelle il était reproché d’avoir conféré à l’action en référé extension d’expertise introduite par un assureur dommages ouvrage avant le règlement des indemnités d’assurance un effet interruptif d’une prescription qui ne courrait pas alors à son encontre et par voie de conséquence d’avoir méconnu l’article L. 121-12 du Code des assurances, ensemble les articles 1792 et 2270 du Code civil.

La validation est opérée au considérant ci-après rapporté :

« Mais attendu qu’ayant relevé par motifs propres et adoptés, que l’assignation en référé délivrée par l’assureur dommages ouvrage avant paiement par celui-ci de l’indemnité d’assurance l’avait été avant expiration du délai de garantie décennale et que l’assignation au fond, suivie du paiement en cours d’instance, avait été signifiée moins de dix ans après l’ordonnance de référé, la cour d’appel en a exactement déduit que l’action de l’assureur dommages ouvrage, subrogé dans les droits du maître d’ouvrage avant que le juge statue au fond, était recevable et que les assureurs couvrant la responsabilité décennale des constructeurs responsables étaient tenus à l’égard de l’assureur dommages ouvrage ».

Aux termes du second arrêt ci-dessus évoqué du 8 septembre 2009, la Cour de cassation a cassé un arrêt de la Cour de Nîmes qui, pour mettre hors de cause des constructeurs et des assureurs sur les appels en garantie formés à leur encontre par l’assureur dommages ouvrage sur les condamnations prononcées à son encontre au profit du syndicat des copropriétaires avait retenu que les citations en ordonnance commune délivrées par l’assureur dommages ouvrage ne pouvaient pas interrompre la prescription dès lors que ledit assureur n’était pas titulaire du droit menacé pour n’avoir pas été subrogé dans les droits du syndicat et qu’à la date à laquelle les ordonnances de référé avaient été prononcées, l’assureur dommages ouvrage n’était toujours pas subrogé dans les droits et actions du syndicat de sorte que la cause de l’irrecevabilité de son action n’avait pas disparu au jour où le juge des référés avait statué.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour de Nîmes au considérant ci-après reproduit :

« Qu’en statuant ainsi, alors qu’une partie assignée en justice est en droit d’appeler une autre en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle, une telle action ne supposant pas que l’appelant en garantie ait déjà indemnisé le demandeur initial, qu’une assignation en référé qui tend à rendre commune une expertise ordonnée par une précédente décision constitue une citation en justice interrompant la prescription au profit de celui qui l’a diligentée, et qu’est recevable l’action engagée par l’assureur avant l’expiration du délai de forclusion décennale, bien qu’il n’ait pas eu au moment de la délivrance de son assignation la qualité de subrogé dans les droits de son assuré, dès lors qu’il a payé l’indemnité due à ce dernier avant que le juge du fond n’ait statué, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Si aux termes du premier arrêt précité du 4 juin 2009 1 il n’est pas évident que l’action de l’assureur dommages ouvrage ait été une action en garantie il est en revanche clair que dans le cadre de l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt précité du 8 septembre 2009, il s’est bien agi d’une action en garantie.

Certes, comme déjà dit ci-dessus, l’admissibilité de la recevabilité d’une action en garantie, hors subrogation et avant paiement de l’indemnité d’assurance, avait déjà été admise à l’occasion de procédures au fond. Mais c’est, à notre connaissance, la première fois que la Cour de cassation attribue implicitement, mais indubitablement, à une citation en référé en ordonnance commune la qualification d’action en garantie.

18. C’est donc à la faveur de la qualification des assignations en référé de novembre/décembre 1993 puis de décembre 2001 que l’arrêt de la Cour de Versailles aurait pu être censuré.

Cet avis qui s’appuie sur les précédents jurisprudentiels ci-dessus évoqués a aussi ses limites : il présuppose que l’assignation en référé d’avril 1993 ayant donné lieu à l’ordonnance de référé du 4 mai 1993 aurait été interruptive au profit de l’assureur dommages ouvrage Aviva qui n’avait pas fait délivrer l’assignation en référé, laquelle était dirigée notamment à son encontre…

19. S’il faut se garder comme déjà dit ci-dessus, de confondre l’action subrogatoire et l’action en garantie, il reste que les deux actions peuvent, à l’évidence, se combiner. On peut évidemment très bien imaginer qu’une action en référé tendant à voir déclarer communes des opérations d’expertise précédemment ordonnées, soit qualifiée/considérée comme étant une action en garantie interruptive de prescription permettant ainsi à l’assureur, qui aurait interrompu le délai de la forclusion décennale, d’agir ultérieurement et après paiement en qualité de subrogé dans les droits et actions de son assuré alors même que celui-ci n’aurait pas, quant à lui, interrompu la prescription à l’égard des constructeurs et assureurs recherchés par l’assureur dommages ouvrage dans le cadre de son action en référé extension.

20. En définitive, l’arrêt rapporté pose de nombreuses questions auxquelles il a apporté une réponse cohérente, au moins partiellement, à raison notamment des moyens qui étaient présentés à la Cour de cassation.

J.-P. Karila – L. Karila – RGDA n° 2012-01, P. 73