L’assureur multirisques habitation peut-il être condamné au montant des travaux de démolition et confortatifs que la Commune initie pour assurer la sécurité du domaine public ? (Cass. 2e civ., 10 novembre 2005) — Karila

L’assureur multirisques habitation peut-il être condamné au montant des travaux de démolition et confortatifs que la Commune initie pour assurer la sécurité du domaine public ? (Cass. 2e civ., 10 novembre 2005)

Ancien ID : 195

Assurance multirisque habitation. Immeuble frappé d’arrêtés de péril. Travaux de démolition et confortatifs nécessaires. Demande de provision de la Commune. Garantie de l’assureur (Oui)

Jean-Pierre Karila

Dès lors qu’une Cour d’appel retient que les dommages causés aux tiers résultant de l’effondrement partiel d’un immeuble entrent bien dans le champ d’application de la police de responsabilité civile et que la condamnation prononcée ne réparait que le dommage causé à la Commune où avait été édifié l’immeuble en question, elle justifie également sa décision au regard de l’article 809 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile en limitant le montant de la condamnation au financement des seuls travaux initiés par la Commune en raison de la nécessité d’assurer la sécurité des immeubles et du domaine public.

Cour de Cassation (2ème Ch. Civ.)10 novembre 2005 n° 04-12496

Sté PACIFICA c/ époux Harbourg et Commune de Thiers

La Cour.

Attendu, selon l’arrêt attaqué rendu en matière de référé (Riom, 22 janvier 2004) que M. et Mme Harbourg, propriétaires d’un immeuble situé à Thiers, ont souscrit auprès de la société d’assurances Pacifica un contrat multirisques habitation garantissant la responsabilité civile du propriétaire de l’immeuble; qu’à la suite de l’effondrement partiel de leur immeuble provoquant des risques pour le domaine public, la commune de Thiers a pris deux arrêtés de péril mettant en demeure M. et Mme Harbourg d’effectuer des travaux de démolition, de stabilisation du site, de mise en sécurité, de réalisation et de confortement des murs, pour faire cesser et prévenir l’apparition de nouveaux désordres ; qu’en raison de la carence des propriétaires, la commune, après avoir décidé d’assurer elle-même l’exécution des travaux, les a assignés en référé devant le tribunal de grande instance, ainsi que leur assureur, aux fins d’obtenir l’instauration d’une mesure d’expertise et leur condamnation à lui verser une indemnité provisionnelle ;

Attendu que la société Pacifica fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée à garantir le paiement de l’indemnité provisionnelle due par M. et Mme Harbourg à la commune de Thiers, alors, selon le moyen:

1°/ qu’en n’examinant pas le moyen tiré de la limitation de la garantie de l’assureur a la seule « responsabilité civile » l’exclusion de toute garantie « effondrement » ce dont il résultait que la garantie de l’assureur ne pouvait être étendue au dommage causé à la chose elle-même et à ses conséquences pour le propriétaire, ce qui excluait la prise en charge des travaux de démolition et de l’ensemble des travaux exigées par les arrêtés de mise en péril qui sortaient du cadre de la responsabilité civile en l’absence de toute atteinte porte au domaine communal ou a la propriété voisine, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de réponse aux conclusions, violant l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2°/qu’en ne recherchant pas si la condamnation à garantie de la condamnation provisionnelle au paiement des travaux de démolition de l’immeuble et aux travaux exigés par l’administration pour des raisons de sécurité publique, dont l’objet n’était pas la réparation d’un dommage causé à autrui, ne se heurtait pas à une difficulté sérieuse, en l’absence de toute assurance de chose « effondrement », la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision, au regard de l’article 809, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l’arrêt retient, que, selon la police d’assurance, l’assureur garantit la « responsabilité civile propriétaire d’immeuble », savoir les dommages corporels, matériels, immatériels du fait de l’habitation ; que les dommages causes aux tiers résultant de l’effondrement partiel de l’immeuble des époux Harbourg, en l’absence de toute exclusion contraire exigée par l’article L. 113-1 du Code des assurances, entrent bien dans le champ d’application de la responsabilité civile ; qu’en conséquence les époux Harbourg sont recevables a actionner leur compagnie d’assurance en garantie des sommes réclamées par la commune de Thiers ; que celle-ci ayant pris toutes mesures nécessaires pour prévenir tout dommage aux usagers du domaine public en relation avec le sinistres survenu sur une propriété privée n’est fondée a pouvoir mettre en oeuvre que les seuls travaux commandes par la nécessite d’assurer la sécurité des immeubles et du domaine public, et qu’eu égard aux travaux de stabilisation de la voie publique et de confortement du mur existant préconisés par le cabinet EUCLID, il y a lieu d’arbitrer à 150 000 euros le montant de la provision mise à la charge des époux Harbourg en paiement de la garantie desquels la société Pacifica sera condamnée ;

Que par ces motifs répondant aux conclusions prétendument négligées, dont il résulte que la condamnation prononcée ne réparait que le dommage causé à la commune de Thiers du fait de l’immeuble appartenant à M. et Mme Harbourg, garantis au titre de leur responsabilité civile par la société Pacifica, de sorte que la demande de la commune ne se heurtait à aucune difficulté sérieuse, la cour d’appel a légalement justifié sa décision au regard de l’article 809, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

Note. 1. L’arrêt rapporté n’est pas destiné à être publié au bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour Suprême d’une part, et n’est pas par ailleurs, de la volonté même de la Haute Juridiction, accessible sur le site de Legifrance d’autre part.

La 2ème chambre civile a donc voulu que cet « inédit » le demeure…

On n’en tirera cependant aucune conclusion / déduction alors même que l’arrêt rapporté appelle de notre part une certaine réserve.

2. L’arrêt rapporté appelle effectivement de notre part une certaine réserve dans la mesure où il valide dans des conditions critiquables un arrêt d’une Cour d’appel qui était entré en condamnation à l’encontre de l’assureur de responsabilité civile suivant police multirisques habitation de propriétaires d’un immeuble situé sur la Commune de Thiers.

3. Les faits de l’espèce sont parfaitement exposés par la Cour Suprême dans l’arrêt rapporté : ensuite de l’effondrement partiel d’un immeuble provoquant des risques pour le domaine public, la Commune de Thiers prend deux arrêtés de péril mettant en demeure les propriétaires de l’immeuble d’effectuer des travaux de démolition et de mise en sécurité, puis, compte tenu de la carence desdits propriétaires, décide d’assurer elle-même l’exécution des travaux dont s’agit et assigne en référé lesdits propriétaires et leur assureur aux fins de l’instauration d’une mesure d’expertise d’une part, et de condamnation dudit assureur et desdits propriétaires au paiement d’une indemnité provisionnelle sur le fondement de l’article 809 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le Juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Riom avait ordonné une expertise et était entré en condamnation à l’encontre seulement des propriétaires estimant :

« Qu’il ne peut donc en l’état être statué sur l’application du contrat – d’assurance – qui suppose l’analyse de fond des dispositions contractuelles et notamment de vérifier si le contrat garantit l’effondrement et ses conséquences, une telle appréciation relevant du Juge du fond et la demande étant dès lors irrecevable en référé ».

La Cour de Riom dans un arrêt choqué de pourvoi, infirmait quant à ce la décision du Premier Juge en retenant la garantie de l’assureur tout en réduisant le montant de l’indemnité provisionnelle allouée à la Commune.

4. L’assureur multirisques habitation, dans un moyen unique de cassation comportant deux branches, reprochait à la Cour de Riom :

– en sa première branche, la violation de l’article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile pour défaut de réponse aux conclusions pour n’avoir pas examiné le moyen tiré de la limitation de la garantie de l’assureur à la seule responsabilité civile à l’exclusion de toute garantie «  »effondrement », ce dont il résultait que la garantie de l’assureur ne pouvait être étendue au dommage causé à la chose elle-même et à ses conséquences pour le propriétaire, ce qui excluait la prise en charge des travaux de démolition et de l’ensemble des travaux exigés par les arrêtés de mise en péril, qui sortaient du cadre de la responsabilité civile en l’absence de toute atteinte portée au domaine communal ou à la propriété voisine » ;

– en sa seconde branche, un défaut de base légale au regard de l’article 809 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile pour n’avoir pas recherché « si la condamnation à garantie de la condamnation provisionnelle au paiement des travaux de démolition de l’immeuble et aux travaux exigés par l’Administration pour des raisons de sécurité publique, dont l’objet n’était pas la réparation d’un dommage causé à autrui, ne se heurtait pas à une difficulté sérieuse en l’absence de toute assurance de choses « effondrement » ».

La Cour de Riom avait expressément visé « les travaux de stabilisation de la voie publique et de confortement du mur existant ».

Le financement du confortement du mur existant pouvait prêter à discussion dans la mesure où la garantie « effondrement » n’avait pas été souscrite, l’assureur était donc tenu de prendre en charge le coût de la réparation de l’ouvrage lui-même alors que la police ne couvrait que les dommages causés aux tiers.

La Cour Suprême a préféré « sauver » l’arrêt en explicitant le motif ci-dessus évoqué en l’expurgeant de tout vice en quelque sorte puisqu’elle énonce / affirme que la Cour d’appel avait retenu « que la Commune avait pris toutes mesures nécessaires pour prévenir tout dommage aux usagers du domaine public en relation avec le sinistre survenu sur une propriété privée n’est fondée à pouvoir mettre en œuvre que les seuls travaux commandés par la nécessité d’assurer la sécurité des immeubles et du domaine public ».

5. La validation par la 2ème chambre civile, dans les circonstances ci-dessus rappelées de la Cour de Riom, est le résultat en conséquence d’un véritable artifice…

RGDA 2006 N°1

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