La clause limitant la garantie des travaux réalisés à ceux effectués en exécution d’un contrat de louage d’ouvrage doit être réputée non écrite (Cass. 3e civ., 2 mars 2005) — Karila

La clause limitant la garantie des travaux réalisés à ceux effectués en exécution d’un contrat de louage d’ouvrage doit être réputée non écrite (Cass. 3e civ., 2 mars 2005)

Ancien ID : 77

Assurance de responsabilité décennale – Entrepreneur réalisateur de travaux de rénovation et vendeur après achèvement. Assurance décennale. Clause limitant la mise en oeuvre de l’assurance décennale à l’existence d’un contrat de louage d’ouvrage. Validité (non).

Viole les articles L. 241-1, L. 243-8 et A. 243-1 (ainsi que son annexe I) du Code des Assurances, la Cour d’Appel qui, pour rejeter une demande formée par un maître d’ouvrage contre l’assureur du responsable, retient que le contrat d’assurance prévoit la garantie des travaux exécutés au titre d’un contrat de louage d’ouvrage en sorte que les travaux réalisés par l’assuré lors d’une vente sous conditions suspensives ou par elle-même avant la vente ne sont pas assurées, alors que la clause limitant la garantie des travaux réalisés à ceux effectués en exécution d’un contrat de louage d’ouvrage fait échec aux règles d’ordre public relatives à l’étendue de la responsabilité obligatoire en matière de construction et devait par suite être réputée non écrite.

Cour de Cassation (3ème Ch. Civ.)n° 03-16583, 2 mars 2005, Bulletin 2005 III N° 48 p. 42

M. Tichadou c/ SA Generali France assurances et autres.

La Cour.

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 241-1, L. 243-8 et A. 243-1 du Code des assurances, ensemble l’annexe 1 à ce dernier article ;

Attendu que toute personne physique ou morale, dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du Code civil à propos des travaux de bâtiment, doit être couverte par une assurance ; que tout contrat d’assurance souscrit en vertu de cet article est, nonobstant toute clause contraire, réputé comporter des garanties au moins équivalentes à celles figurant à l’annexe I de l’article A 243-1 du Code des Assurances ; qu’aucune stipulation du contrat ne peut avoir pour effet d’amoindrir d’une manière quelconque, le contenu de ces garanties ;

Attendu que pour rejeter la demande formée par madame X… contre la Société Générali France assurances, l’arrêt retient que le contrat d’assurance souscrit par la société Entreprise Duffort prévoit la garantie des travaux exécutés au titre d’un contrat de louage d’ouvrage, en sorte que les travaux réalisés par son assurée lors d’une vente sous condition suspensive ou pour elle-même, avant la vente, ne sont pas assurés ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la clause limitant la garantie des travaux réalisés par la société Entreprise Duffort à ceux effectués en exécution d’un contrat de louage d’ouvrage, faisait échec aux règles d’ordre public relatives à l’étendue de l’assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction et devait, par suite, être réputée non écrite, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE

Note. 1. L’arrêt rapporté a trait à la responsabilité du maître d’ouvrage qui vend un bien immobilier après avoir réalisé des travaux sur celui-ci. On sait déjà qu’un tel maître d’ouvrage, alors même qu’il s’agirait d’un simple particulier, est réputé constructeur au sens de l’article 1792-1, 3° du Code Civil.

Mais la question débattue dans le cadre de l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt rapporté se situe à un autre niveau : celui de la mobilisation du contrat d’assurance de la responsabilité décennale souscrite par le maître d’ouvrage en sa qualité d’entrepreneur.

2. La Cour de Toulouse, le 19 mai 2003 avait rejeté cependant la demande de condamnation de l’assureur décennal au motif que le contrat d’assurance souscrit par l’entreprise venderesse et auteur des travaux stipulait une garantie des travaux exécutés au titre d’un contrat de louage d’ouvrage. Or, les travaux ayant été réalisés par l’entreprise pour son propre compte, aucun contrat de louage d’ouvrage n’avait pu être conclu.

3. L’acquéreur contestait cette décision, prétendant essentiellement dans son pourvoi à :

– la violation des articles L 241-1, L 243-8 et A. 243-1 du Code des assurances dès lors que, fondant son refus d’application de la police sur l’existence d’une condition subordonnant la garantie décennale à l’existence d’un contrat de louage d’ouvrage, la Cour d’appel faisait application d’une clause illicite comme faisant échec aux règles d’ordre public relatives à l’étendue de l’assurance obligatoire ;

– la violation des articles 1134, 1601 et s. et 1789 et s. du Code civil dès lors qu’elle avait jugé qu’il n’existait pas de contrat de louage d’ouvrage alors que deux contrats avaient été conclus par les parties, l’un portant sur la vente de l’immeuble, l’autre portant sur la réalisation de travaux d’une grande ampleur, de sorte que la police pouvait trouver application, la condition d’existence d’un contrat de louage d’ouvrage étant remplie.

4. Sous le visa des articles L. 241-1, L. 243-8 et A. 243-1 du Code des assurances, ensemble l’annexe 1 à ce dernier article, la Cour de cassation, après avoir rappelé les principes normatifs en la matière en énonçant dans son « chapeau » que « toute personne physique ou morale, dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du Code Civil à propos des travaux de bâtiment, doit être couverte par une assurance ; que tout contrat d’assurance souscrit en vertu de cet article est, nonobstant toute clause contraire, réputé comporter des garanties au moins équivalentes à celles figurant à l’annexe I de l’article A 243-1 du Code des Assurances », y fait application, en censurant la Cour d’Appel, à laquelle elle reproche, à juste titre, d’avoir retenu l’application d’une clause limitant la garantie des travaux effectués en exécution d’un contrat de louage d’ouvrage, alors qu’une telle clause faisait échec aux règles d’ordre public relatives à l’étendue de l’assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction et devait par suite être réputée non écrite.

5. Cette solution ne peut surprendre le lecteur attentif de la jurisprudence de la Cour de Cassation (Cass. Civ. 1ère, 10 décembre 1996, inédit, n° 94-20757), ou encore le lecteur de nos colonnes (RGDA 1997, page 188, note A. d’Hauteville).

Dans l’arrêt ci-dessus évoqué, un entrepreneur avait acquis un immeuble, dans lequel il avait procédé lui-même à des travaux de rénovation, avant de vendre un ou plusieurs appartements dudit immeuble, situation proche, si ce n’est identique, à l’espèce commentée.

La Cour de Bordeaux avait rejeté l’application de la police décennale au motif que son article 3 limitait la couverture aux « travaux exécutés par l’assuré, titulaire du marché étant défini comme étant la personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage ».

La Cour Suprême avait alors cassé cette décision sous le visa des articles L. 241-1, L. 243-8 et A. 243-1 du Code des Assurances, ensemble l’annexe 1 à ce dernier article, au motif que la clause précitée, en ce qu’elle limite la garantie des travaux réalisés par l’assuré à ceux effectués dans le cadre d’un contrat de louage d’ouvrage, faisait échec aux règles d’ordre public relatives à l’étendue de l’assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction, clause qui devait, par suite, être réputée non écrite.

6. L’arrêt rapporté reprend la solution en l’exposant désormais aux lumières de la publication au bulletin des arrêts de la Cour de Cassation.

Cette solution est conforme à l’esprit des textes et particulièrement à l’article A. 243-1 du Code des Assurances en vertu duquel :

– le contrat d’assurance décennal « doit obligatoirement comporter les clauses figurant (…) à l’annexe I » (al. 1er),

– « toute autre clause du contrat ne peut avoir pour effet d’altérer d’une quelconque manière le contenu ou la portée de ces clauses », sauf si elle s’applique exclusivement aux garanties dites facultatives (al. 2),

et à l’esprit de la jurisprudence de la Cour de cassation qui affirme, en application notamment de ce texte, le principe selon lequel aucune stipulation du contrat ne peut avoir pour effet d’amoindrir d’une manière quelconque le contenu des garanties imposées par les clauses types aux parties (Cass. Civ. 1ère, 7 juillet 1993, Bull. civ I n° 247, RGAT 1994, p. 172, note J. Bigot ; sur la question, Lamy, n° 2981).

RGDA 2005-2 p.452

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