Epers Condition d’application. Ouvrage, partie d’ouvrage ou élément d’équipement conçu et produit pour satisfaire à des exigences précises et déterminées à l’avance. Produit exclusif de tout autre emploi. Condition légale (non) (Cass. 3 civ., 25 avril 2007) — Karila

Epers Condition d’application. Ouvrage, partie d’ouvrage ou élément d’équipement conçu et produit pour satisfaire à des exigences précises et déterminées à l’avance. Produit exclusif de tout autre emploi. Condition légale (non) (Cass. 3 civ., 25 avril 2007)

Ancien ID : 457

1) EPERS. Condition d’application. Ouvrage, partie d’ouvrage ou élément d’équipement conçu et produit pour satisfaire à des exigences précises et déterminées à l’avance. Produit exclusif de tout autre emploi. Condition légale (non).

Viole l’article 1792-4 du Code civil en vertu duquel le fabricant d’un ouvrage, d’une partie d’ouvrage ou d’un élément d’équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l’avance (EPERS) est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d’ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l’ouvrage, la partie d’ouvrage ou l’élément d’équipement considéré la Cour d’appel qui écarte la qualification d’EPERS au motif que les matériaux en question n’étaient pas exclusivement destinés à l’ouvrage considéré alors que l’article 1792-4 n’exige pas les matériaux soient exclusifs de tout autre emploi (3e espèce).

2) EPERS. Panneaux d’isolation type PLASTEUROP. Conditions d’application de l’article 1792-4. Produits conçus et produits pour répondre aux besoins propres de l’ouvrage (première condition). Mise en oeuvre sans modification par l’entrepreneur conformément aux règles édictées par le fabricant (seconde condition).

Les panneaux d’isolation (et les systèmes de fixation) conçus et produits pour répondre aux conditions propres à l’ouvrage peuvent engager la responsabilité du fabricant sur le fondement de l’article 1792-4 du Code civil dès lors qu’ils ont été mis en oeuvre sans modification conformément aux règles édictées par le fabricant (1re et 2e espèces).

Jean-Pierre Karila

1. La loi du 4 janvier 1978 a introduit dans le Code civil, un article 1792-4 qui énonce que « le fabricant d’un ouvrage, d’une partie d’ouvrage ou d’un élément d’équipement conçu et produit pour satisfaire, en l’état de service, à des exigences précises et déterminées à l’avance, et solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d’ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l’ouvrage, la partie d’ouvrage ou élément d’équipement considéré ».

Il résulte du texte précité que certains fabricants ne pourraient voir engager leur responsabilité dans leurs rapports avec le maître d’ouvrage ou la victime des dommages affectant l’ouvrage, la partie d’ouvrage ou l’élément d’équipement considéré sur le fondement du droit commun de la vente (défaut de conformité ou vice caché) mais seulement sur le plan des garanties et responsabilités spécifiques visées par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 du Code civil et ce :

– lorsqu’il conçoit et produit un ouvrage, une partie d’ouvrage ou un élément d’équipement en vue de satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l’avance d’une part ;

– et que le locateur d’ouvrage a mis en oeuvre cet ouvrage, cette partie d’ouvrage ou cet élément d’équipement sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant.

Les premières conditions déterminent ainsi la nature de l’ouvrage ou de l’élément d’équipement considéré entrant dans le champ d’application de la responsabilité solidaire des fabricants tandis que les secondes déterminent les conditions de mise en oeuvre de ladite responsabilité.

2. Longtemps la question est restée, sinon ignorée par la Cour de cassation, tenue par les aléas de sa saisine, du moins n’avait-elle pas été l’occasion d’un contentieux important et/ou encore intéressant sauf à rappeler que globalement la Haute Juridiction avait adopté une position relativement restrictive tant sur les conditions d’éligibilité du texte que de son application (sur ce point, Ph. Malinvaud, D. 2007, p. 981), tandis que certains Juges du fond en la circonstance un certain nombre de cours d’appel de province avaient quant à elles adopté une conception extensive des conditions d’éligibilité d’une part et d’application d’autre part de la responsabilité solidaire édictée par l’article 1792-4 du Code civil.

Cette période est aujourd’hui révolue comme en atteste l’importance du contentieux en cette année 2007 qui a déjà donné lieu à un arrêt d’Assemblée Plénière (A.P., 26 janvier 2007, no 06-12165, Bull. AP., no 2, RGDA 2007.369, note J.-P. Karila, D. 2007, p. 981, Commentaires Ph. Malinvaud qui met parfaitement en perspective cet arrêt avec le passé – notamment la position antérieure de la jurisprudence de la troisième chambre – et l’avenir tel qu’il résulte notamment de l’insertion par l’Ordonnance du 8 juin 2005 d’un article 1792-7 du Code civil) statuant suite au pourvoi introduit contre un arrêt de la Cour d’Angers ayant résisté à un arrêt de la troisième chambre du 22 septembre 2004 (Cass. 3e civ., 22 septembre 2004, no 03-10325, Bull. civ., 2004, III, no 151, RDI 2004, p. 571, note Ph. Malinvaud).

Le 25 avril 2007 ce ne sont pas moins de 8 arrêts du même jour dont deux publiés au bulletin qui ont été rendus à l’occasion de la définition de la notion d’EPERS et ce à propos des panneaux d’isolation thermique dits PLASTEUROP (du nom d’un des fabricants leader du marché avant la survenance de sinistres sériels) dont il faut reconnaître qu’ils auront largement contribué à permettre à la Haute Juridiction d’affirmer et d’affiner son interprétation de la notion d’EPERS.

Parmi les huit arrêts du 25 avril 2007, un (Cass. 3e civ., 25 avril 2007, no 05-20587) ne présente guère d’intérêt en ce que la Cour de cassation se cantonne à un contrôle léger de qualification estimant que la Cour d’appel ayant relevé que les panneaux d’isolation avait été conçus et fabriqués pour l’ouvrage en cause d’une part et avait été mis en oeuvre conformément aux règles édictées par le fabricant d’autre part, elle avait pu légalement retenir que l’article 1792-4 du Code civil avait vocation à s’appliquer.

Les sept autres arrêts ont un intérêt bien supérieur et permettent à la Cour de cassation de préciser l’interprétation qu’elle entend donner à l’article 1792-4, spécialement aux conditions d’éligibilité ou encore d’application des dispositions de ce texte.

3. Ces arrêts sont d’abord relatifs seulement aux conditions d’éligibilité, c’est-à-dire relatifs à la notion d’ouvrage, de partie d’ouvrage ou d’élément d’équipement conçu et fabriqué en vue de satisfaire à des exigences précises et déterminées à l’avance, et conduisent à dégager une idée finalement courante en droit de la construction : il n’existe pas de panneaux d’isolation en soi constitutifs d’un EPERS comme il n’existe pas en soi de panneaux d’isolation ne répondant pas à cette catégorie.

De ces sept arrêts émergent une solution et une démarche casuistique qui doit, au-delà même de la question des EPERS, rappeler aux plaideurs qu’on ne saurait en droit de la construction, mais l’affirmation est valable au-delà, réduire les qualifications juridiques en une liste de matériaux ou encore de cas relevant ou non d’une qualification.

Cette perspective est aussi celle qu’avait exprimé l’Avocat général Guérin dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt d’Assemblée Plénière précité du 26 janvier 2007 :

« Si la société fabriquait une gamme de produits indifférenciés, celui qu’elle a livré au constructeur présentait des caractéristiques particulières, recherchées, il était adapté à un ouvrage déterminé. L’élément en cause, constitué d’un assemblage de panneaux, n’est pas en lui-même un produit indifférencié.

Je pense qu’il convient en effet de distinguer les panneaux eux-mêmes, matériaux de structure complexe, mais qui pourraient être qualifiés de matériaux primaires, ne constituant pas, à eux seuls, des composants, un dispositif destiné à répondre à des exigences particulières, de l’ensemble qu’ils forment, avec les accessoires nécessaires à la pose, pour constituer, après montage, un entrepôt.

C’est cet ensemble, commandé, fabriqué puis assemblé sans modification, tel que décrit par l’arrêt qui forme un EPERS.

Et s’agissant d’une commande pour un ouvrage spécifique, cet ensemble répond aussi à la finalité extrinsèque retenue par le moyen. »

Telle est la vocation de ce regroupement d’arrêts de la Cour de cassation qui tend à guider les praticiens dans leurs argumentations en matière de responsabilité fondée sur l’article 1792-4 du Code civil.

1o/ L’affirmation d’un principe négatif : l’article 1792-4 du Code civil n’exige pas de l’ouvrage, partie d’ouvrage ou élément d’équipement qu’il soit exclusif de tout autre emploi.

4. Cette solution est affirmée par la 3e espèce reproduite (pourvois no 05-20459 et a.) ainsi que par deux autres arrêts du même jour non reproduits savoir :

– l’arrêt no 377, pourvois no 05-20456 et 05-21143 ;

– l’arrêt no 378, pourvois no 05-20457 et 05-21144.

Ces trois arrêts censurent trois décisions de la Cour de Paris qui avait écarté l’application de l’article 1792-4 du Code civil au motif commun que les panneaux d’isolation fabriqués la société PLASTEUROP ne présentaient pas des caractéristiques suffisantes pour qu’ils soient réservés à un chantier précis, exclusif de tout autre emploi, et qu’en conséquence ils constituaient des éléments indifférenciés échappant à l’application de l’article 1792-4 du Code civil.

5. Selon la Cour de Paris, les panneaux considérés échappaient à l’application de l’article 1792-4 du Code civil au motif de l’essentiel ci-après rapporté :

« Qu’en l’espèce, il ressort des différentes factures relatives au chantier que la Société PLASTEUROP a fourni un certain nombre de panneaux tous de longueur standard (1,200) et découpés à des longueurs précises, qui ont été assemblés sur place par un poseur spécialisé » ;

« qu’à l’inverse d’autres situations où des exigences précises tenant à l’activité exercée par le client ont pu être satisfaites par l’industriel qui a conçu et fabriqué, à partir de sa gamme standard, un produit spécifique adapté et destiné exclusivement à cette activité (ex. : protection renforcée contre les parasites, couleur adaptée à l’activité), il n’est pas contestable, en l’espèce, que les panneaux mis en oeuvre, proposés à la vente par d’autres fabricants, ont été choisis au sein d’une gamme industrielle, composée selon les normes standards en vue de répondre à des exigences génériques issues de la réglementation en matière d’isolation et/ou, en matière sanitaire (…) ; qu’ils [les panneaux] ne présentent ainsi aucune spécificité les distinguant des autres produits en vente sur le marché et poursuivant la même finalité ; que, faute de présenter les caractéristiques suffisantes pour réserver ces panneaux à un chantier précis, exclusif de tout autre emploi, ceux-ci constituent des éléments indifférenciés échappant à l’application de l’article 1792-4 du Code civil » (CA Paris, 23e B, 30 juin 2005, objet du pourvoi principal no 05-20459).

6. Cette motivation, reprise par la Cour de Paris dans sa décision, objet de la cassation de la troisième espèce avait été reproduite également dans ces deux autres décisions, objet des arrêts de cassation non rapportés et précités (supra no 4).

La Haute Juridiction, après rappel dans un chapeau intérieur des dispositions de l’article 1792-4 du Code civil, casse en conséquence les trois décisions ci-dessus évoquées de la Cour de Paris pour violation de ce texte au motif « qu’en exigeant que ces panneaux soient exclusifs de tout autre emploi, la cour d’appel » avait « ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas ».

7. Il résulte de cette solution qu’on ne saurait limiter la notion d’EPERS aux seuls produits ayant un usage exclusif.

Ce n’est donc pas le type de produit qui détermine le champ d’application de la notion, mais le fait que ce produit soit un ouvrage, une partie d’ouvrage ou un élément d’équipement « conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l’avance (EPERS) », condition qui repose sur une analyse au cas par cas.

C’est cette démarche de qualification casuistique qui est au centre des quatre autres décisions du même jour (dont deux ont l’honneur de la publication au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation).

2o/ La caractérisation de la condition d’ouvrage, de partie d’ouvrage ou d’élément d’équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l’avance (EPERS)

8. Les deux premières espèces destinées à être publiées au Bulletin des chambres civiles de la Cour de cassation illustrent deux hypothèses distinctes de mise en oeuvre de cette condition déterminante de l’applicabilité de l’article 1792-4 du Code civil ; les deux autres arrêts non publiés reprenant l’exacte motivation de chacun des deux arrêts publiés.

Ce n’est pas par hasard que la Cour de cassation publie ces deux arrêts soulignant, en contrepoint, en quelque sorte, des trois arrêts précités posant le principe négatif ci-dessus évoqué (supra no 4), que la bonne pratique consiste, pour les juges du fond, à vérifier, pour chacune des espèces soumises à leur appréciation, si les conditions de conception et production spécifiques sont remplies et non pas de raisonner abstraitement par catégorie de produits.

Ces deux démarches démonstratives conduisant à la validation d’un arrêt de la Cour de Lyon (1re espèce) d’une part et d’un arrêt de la Cour de Versailles (2e espèce) d’autre part méritent d’être analysées séparément.

9. Dans la première espèce, la Cour de cassation était saisie d’un pourvoi contre un arrêt du 6 septembre 2005 de la Cour de Lyon qui avait déclaré la société PLASTEUROP solidairement responsable sur le fondement des articles 1792-4 et 2270 du Code civil, des dommages affectant des panneaux qu’elle avait fabriqués et vendus.

Les trois branches du moyen unique du pourvoi prétendaient à la violation de l’article 1792-4 du Code civil dès lors que l’application, selon le moyen, de ce texte requérait que le produit soit soumis à des contraintes spéciales de fabrication destinées à permettre son intégration dans un ouvrage donné et doit donc avoir reçu une spécificité qui le distingue des autres produits du même genre ayant la même finalité intrinsèque, ce qui n’aurait pas été le cas, selon demandeur au pourvoi, au prétexte que :

– le produit litigieux est fabriqué en taille standard, stocké en l’état, utilisable pour des usages variés (salles agroalimentaires, boucheries, abattoirs, wagons, etc.), en bardage, en plafond ou en couverture et vendu sur catalogue (1re branche) ;

– que le fabricant ignore lors de la conception et de la fabrication la destination que lui donneront ses acquéreurs, qui pourront le découper pour l’adapter à leur projet (1re branche) ;

de sorte que le produit considéré était un produit indifférencié sans finalité extrinsèque déterminée qui aurait nécessité, lors de sa conception et de sa production, une spécificité technique qui le différencierait de produits du même genre ayant une même finalité intrinsèque.

La solution s’évinçait au surplus selon la Haute Juridiction des constatations de la Cour d’Appel elle-même dès lors que :

– la conception et le mode d’assemblage des panneaux était le fait du seul fabricant sans participation du maître d’oeuvre et n’avaient pas été fabriqués selon un cahier des charges établi par ce dernier mais choisis par lui sur un catalogue en fonction des caractéristiques recherchées, l’usager devant s’adapter aux contraintes définies par le fabricant et non l’inverse, le fabricant ayant seul la maîtrise de la structure et de la composition de ces panneaux et que la découpe ne requérait aucune « étude » spécifique à l’adaptation du produit (2e branche) ;

– le locateur d’ouvrage avait dû procéder à des modifications des panneaux pour les mettre en oeuvre, la découpe des panneaux n’étant pas interdite, la pose nécessitant, outre cette découpe, une adaptation aux mesures, un assemblage, une fixation par vissage à l’ossature, la réalisation de joints, l’adaptation aux angles (3e branche) ;

10. Cette argumentation est cependant écartée par la Cour de cassation qui opère un simple contrôle de la motivation des juges du fond.

La Haute Juridiction a estimé que, dès lors que la cour d’appel avait constaté, par des motifs propres et adoptés :

– que la société PLASTEUROP avait conçu et fabriqué, pour l’ouvrage en cause, des panneaux isothermes aux longueurs précisées par la société GST isolation, ainsi que des accessoires de suspension, de fixation et de finition d’une part ;

– et que les panneaux vendus par la société PLASTEUROP avaient été mis en oeuvre conformément aux règles édictées par le fabricant d’autre part ;que celle-ci « en a exactement déduit que le fabricant de ces panneaux conçus et produits pour le bâtiment en cause et mis en oeuvre sans modification, était en application des dispositions de l’article 1792-4 du Code civil, solidairement responsable des obligations mises à la charge du locateur d’ouvrage ».

Si on met de côté la question de la mise en oeuvre conforme et qu’on s’attarde à la caractérisation de la condition d’applicabilité de l’article 1792-4 du Code civil, la Cour de cassation admet que caractérise la condition de conception et fabrication d’un ouvrage, partie d’ouvrage ou élément d’équipement pour satisfaire à des exigences précises et déterminées à l’avance le fait :

– que les panneaux avaient été conçus et fabriqués en quelque sorte sur mesure puisque ces panneaux étaient fabriqués « aux longueurs précisées par le locateur d’ouvrage » ;

– que la société PLASTEUROP avait encore conçu et fabriqué des accessoires de suspension, de fixation et de finition pour le chantier.

Ces deux éléments caractérisent, contrairement à ce qui était soutenu par le pourvoi, le fait qu’il ne s’agissait pas en l’espèce de panneaux standardisés mais de panneaux conçus/adaptés pour ce chantier.

Ce faisant, la Cour de cassation valide l’arrêt de la Cour de Lyon comme elle l’a fait le jour même dans une affaire analogue rendue sur pourvoi no 05-20586 reprenant le même attendu.

Cette motivation rappelle nécessairement la distinction ci-avant rapportée (supra, no 3) de l’Avocat général Guérin dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt d’Assemblée plénière du 26 janvier 2007.

11. Dans la seconde espèce, il était reproché à la Cour de Versailles d’avoir condamné la SMABTP à garantir son assuré fabricant des panneaux d’isolation sur le fondement de l’article 1792-4 du Code civil.

À l’image du pourvoi ci-dessus décrit, le second moyen du pourvoi de cette seconde espèce comportant deux et non pas trois branches soutenait essentiellement comme dans la première espèce la violation de l’article 1792-4 du Code civil au prétexte :

– que ledit article 1792-4 du Code civil ne peut trouver application que pour un « produit, soumis à des contraintes spéciales de fabrication destinées à permettre son intégration dans un ouvrage donné, doit donc avoir reçu une spécificité qui le distingue des autres produits du même genre ayant la même finalité intrinsèque » (1re branche) ;

– et que tel n’est pas le cas en l’espèce dès lors que le produit considéré (constitué d’un panneau extérieur en tôle ou en polyester, d’une âme en mousse de polyuréthane et d’un parement intérieur en tôle ou en polyester) est fabriqué en taille standard, stocké en l’état et utilisable pour des usages variés ; que le fabricant ignore la destination qu’entend donner l’acquéreur à ce produit, qu’il peut découper pour l’adapter à son projet ; qu’il s’agit d’un « produit indifférencié, sans finalité extrinsèque déterminée qui aurait nécessité, lors de sa conception et de sa production, une spécificité technique qui le différencierait de produits du même genre ayant une finalité intrinsèque » dès lors que « le fabricant ignore la destination qu’entend donner l’acquéreur à ce produit, qu’il peut découper pour l’adapter à son projet » (1re branche) ;

– qu’en se bornant « à retenir une description du produit, composé d’éléments simples, qui manifestait seulement son adaptabilité fonctionnelle et matérielle à toute forme d’isolation thermique, à relever une absence d’intervention du locateur d’ouvrage, sans incidence nécessaire sur cette qualification et sur le fait que le produit avait été élaboré en fonction de l’utilisation ultérieure des locaux et de la température positive ou négative recherchée, finalité par hypothèse inhérente à la nature même de tout produit ayant vocation à assurer l’isolation thermique », la cour d’appel s’était déterminée sans avoir retenu aucun élément permettant de justifier que le produit litigieux aurait reçu, en vue de son intégration dans l’ouvrage une spécificité propre qui l’eut distingué, par cette destination des autres produits du même genre (2e branche).

12. À l’image de l’arrêt précédemment analysé, la Cour de cassation rejette ce pourvoi en se limitant à un contrôle léger de qualification.

Elle relève que la Cour d’appel ayant constaté que les panneaux :

– étaient le résultat d’une conception élaborée et approfondie ;

– avaient été fournis par le fabricant pour répondre aux exigences propres de l’ouvrage en cause ;

– avaient été préalablement découpés par lui aux dimensions requises par les locaux dans lesquels ils devaient être installés ;

– et avaient été posés sans aucune modification ou adaptation, conformément aux directives du fabricant ;

elle en avait ainsi exactement déduit que le fabricant était, en application des dispositions de l’article 1792-4 du Code civil, solidairement responsable des obligations mises à la charge du locateur d’ouvrage.

13. Si on écarte le dernier élément constaté par les juges du fond en rapport avec la condition de mise en oeuvre de l’article 1792-4 et pour s’en tenir à la question de l’applicabilité de cette disposition au cas d’espèce, la Cour de cassation valide l’arrêt d’appel en prenant en considération le fait que le produit répondait à des exigences propres à l’ouvrage résultant notamment de leur découpe par le fabricant aux dimensions de l’ouvrage considéré.

Cette circonstance factuelle est proche de celle retenue par la Cour de Lyon dans l’arrêt analysé ci-dessus (supra, no 11). La Cour ajoute cependant ici le fait que les panneaux étaient d’une conception élaborée et approfondie, critère qui, en soi, ne nous semble pas avoir d’influence sur la qualification d’EPERS, cette qualification résultant non pas du caractère élaboré du produit en soi mais du fait qu’il ait été fabriqué pour le chantier, en quelque sorte, sur mesure. La portée de l’arrêt doit être analysée au regard des propos de l’Avocat général Guérin (supra, no 3).

Synthèse et conclusion

15. De ce nouvel épisode dans la saga des panneaux d’isolation type PLASTEUROP, deux points essentiels semblent à nos yeux se dégager :

– la qualification d’EPERS relève du pouvoir souverain des juges du fond auxquels il appartient de caractériser, sous le contrôle de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 26 octobre 1988, no 87-11367), les conditions d’application de l’article 1792-4 du Code civil spécialement le fait que le produit ait bien été conçu et produit pour l’ouvrage en question et ne soit donc pas un produit standard ;

– il n’y a pas en soi des panneaux d’isolation thermique constitutifs d’EPERS ou non constitutifs d’EPERS. Tout est question des circonstances de l’espèce et du fait que les produits aient été ou non fabriqués sur la base des conditions spécifiques nécessaires pour le chantier pour lequel la commande a été passée.

J.-P. Karila

RGDA 2007, p. 647

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