Un fournisseur du maître d’ouvrage peut être un maître d’oeuvre — Karila

Un fournisseur du maître d’ouvrage peut être un maître d’oeuvre

Résumé : « Justifie légalement sa décision la cour d’appel qui, après avoir relevé que le préposé du fournisseur, présent sur les lieux, avait donné des instructions techniques précises au poseur, auxquelles le maçon, qui ne connaissait pas les caractéristiques du matériau sophistiqué fourni, s’était conformé, et que le fournisseur avait ainsi participé activement à la construction dont il avait assumé la maîtrise d’oeuvre, a pu en déduire qu’il n’était pas seulement intervenu comme fournisseur du matériau, mais en qualité de constructeur au sens de l’article 1792 du code civil. » 

Source : Cass. 3e civ., 28 février 2018, n° 17-15962, FS-P+B+I

Note : Le juge n’est pas légalement tenu par la qualification que les parties donnent à leurs engagements contractuels mais à la seule véritable nature de leur intervention à l’acte de construire. C’est ainsi que le vendeur fournisseur de matériaux qualifiés de sophistiqués, qui donne des instructions techniques précises au poseur -qui s’y conforme sans en connaître les caractéristiques-, participe ainsi activement à la construction et accomplit ainsi une véritable fonction de maîtrise d’œuvre (exécutant ainsi une mission de louage d’ouvrage), donc de constructeur au sens de l’article 1792 du code civil (Cass. 3e civ., 28 février 2018, n° 17-15962, FS-P+B+I) et engage sa responsabilité civile décennale et non plus sa simple responsabilité de droit commun. On observera certes que l’article 1792-1 du Code civil prévoit déjà que le contrat de maître d’ouvrage délégué est réputé constructeur lorsqu’il accomplit une mission assimilable à celle d’un locateur d’ouvrage en sorte qu’au-delà du droit commun, le droit spécifique du droit de la construction s’attache à apprécier la véritable implication de l’intervenant à l’acte de construire, mais l’on se demande si la publication au bulletin de l’arrêt considéré ne risque pas d’étendre le champ de la responsabilité décennale à des situations dans lesquelles la spécificité et la sophistication technique des matériaux ne seraient plus au rendez-vous d’une part et si la technologie galopante des matériaux de construction ne va pas rendre plus fréquente ces situations que les fournisseurs devraient alors plus fréquemment assurer efficacement d’autre part.