Les critères d’appréciation des autorisations administratives d’exploitation commerciales de surfaces de vente — Karila

Les critères d’appréciation des autorisations administratives d’exploitation commerciales de surfaces de vente

Ancien ID : 491

Depuis la Loi dite Royer du 27 décembre 1973 (L. n° 73-1193, JO 30 décembre 1973, p. 14139), le législateur a soumis l’ouverture des surfaces de vente d’une certaine importance à autorisation administrative selon une procédure spécifique aujourd’hui codifiée dans le Code de commerce dans le Titre V De l’équipement commercial]du Livre VII [Des juridictions commerciales et de l’organisation du commerce], précisément dans le Chapitre II de ce Titre relatif aux autorisations commerciales (C. com., art. L. 752-1 à L. 752-23).

Le champ d’application de ces autorisations est réglementé par les [articles L. 752-1 à 5 du Code de commercedesquels il découle, globalement, que tout projet conduisant à l’existence d’une surface de vente d’une superficie supérieure à 300 m² est soumise à autorisation.

L’octroi de ces autorisations par les Commissions départementales et la Commission nationale d’équipement commercial dépend de critères qui figurent aujourd’hui à l’article L. 752-6 du Code de commerce en vertu duquel la Commission statue en prenant en considération :

« 1° L’offre et la demande globales pour chaque secteur d’activité dans la zone de chalandise concernée ;

– l’impact global du projet sur les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison ;

– la qualité de la desserte en transport public ou avec des modes alternatifs ;

– les capacités d’accueil pour le chargement et le déchargement des marchandises ;

2° La densité d’équipement en moyennes et grandes surfaces dans cette zone ;

3° L’effet potentiel du projet sur l’appareil commercial et artisanal de cette zone et des agglomérations concernées, ainsi que sur l’équilibre souhaitable entre les différentes formes de commerce. Lorsque le projet concerne la création ou l’extension d’un ensemble commercial, majoritairement composé de magasins spécialisés dans la commercialisation d’articles de marques à prix réduit, l’effet potentiel dudit projet est également apprécié indépendamment de la spécificité de la politique commerciale de ce type de magasins ;

4° L’impact éventuel du projet en termes d’emplois salariés et non salariés ;

5° Les conditions d’exercice de la concurrence au sein du commerce et de l’artisanat ;

6° Les engagements des demandeurs de création de magasins de détail à prédominance alimentaire de créer dans les zones de dynamisation urbaine ou les territoires ruraux de développement prioritaire des magasins de même type, d’une surface de vente inférieure à 300 mètres carrés, pour au moins 10 % des surfaces demandées. »

Au regard de ces critères légaux, mais encore en considération des principes directeurs de la Loi Royer, principes figurant dans son article 1er non codifié (renvoi), le Conseil d’état contrôle la régularité des décisions des Commissions départementales et nationale.

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Il en résulte les solutions suivantes :

Le Conseil d’état énonce de manière constante, en préambule de son contrôle de la motivation des décisions administratives des Commission, le considérant suivant :

« Considérant que, pour l’application de ces dispositions combinées, il appartient aux commissions d’équipement commercial, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, d’apprécier si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre, dans la zone de chalandise intéressée, l’équilibre recherché par le législateur entre les diverses formes de commerce et, dans l’affirmative, de rechercher si cet inconvénient est compensé par les effets positifs que le projet peut présenter au regard notamment de l’emploi, de l’aménagement du territoire, de la concurrence, de la modernisation des équipements commerciaux et, plus généralement, de la satisfaction des besoins des consommateurs ; ».

Il résulte de ce considérant que l’appréciation dépend de l’impact du projet au regard de « l’équilibre recherché par le législateur entre les diverses formes de commerce » dans la « zone de chalandise » concernée, ce qui conduit le Conseil d’État à retenir deux ensemble de critères d’appréciation selon qu’elle estime ou non, dans les circonstances de l’espèce, que l’équilibre recherché est ou non atteint.

Cependant, alors qu’il découle de l’article 1er précité que l’octroi de l’autorisation devrait dépendre de l’équilibre entre les différents modes de distribution (commerce de détail/commerce de grande distribution), le Conseil d’État apprécie la notion d’équilibre économique au moyen d’une logique mathématique reposant sur la comparaison du rapport entre :

? d’une part la densité commerciale locale définie comme :

o la superficie des commerces existants + la superficie des projets autorisés + la superficie du projet objet de la demande d’autorisation

et

o le nombre d’habitant dans la zone de chalandise (laquelle dépend à la fois de l’importance de la surface du projet pour lequel l’autorisation est sollicitée et de l’accessibilité aux commerces)

? d’autre part les moyennes nationale et départementales de densité commerciale.

Il y a déséquilibre toutes les fois que la densité commerciale locale est supérieure à la densité commerciale départementale et/ou nationale.

Or, il découle de la jurisprudence du Conseil d’État que :

? l’autorisation doit être octroyée toutes les fois que le projet pour lequel la demande d’autorisation est formulée n’affecte pas l’équilibre ainsi défini ;

? qu’elle peut être octroyée, quand bien même cet équilibre serait affecté, si le soumissionnaire peut justifier que le projet a des effets positifs.

Le caractère positif s’apprécie au regard de plusieurs critères légaux savoir l’emploi, l’aménagement du territoire, la concurrence, la modernisation des équipements commerciaux et, plus généralement, la satisfaction des besoins des consommateurs, liste non exhaustive.

En pratique, le Conseil d’État estime que le projet est toujours favorable toute les fois qu’il tend à favoriser la concurrence dans la zone dans laquelle l’autorisation est sollicitée.

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Ces solutions connaîtrons prochainement une évolution au regard des modifications qui seront en définitive adoptée dans le cadre de la Loi de modernisation économique (dite LME).

Le [projet de loi modifie en effet l’ensemble du dispositif relatif aux autorisations d’ouverture de grandes et moyennes surfaces (article 27 du projet de loi).

On relèvera notamment, s’agissant des critères d’appréciation que le projet propose une réécriture de l’article L. 752-6 du Code de commerce (art. 27, XI) savoir :

« Art. L. 752-6. – Dans le cadre des principes définis à l’article L. 750-1, la commission départementale d’aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d’aménagement du territoire et de développement durable. Elle apprécie en particulier ses effets sur :

a) L’animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ;

b) Les flux de transport et l’insertion du projet dans les réseaux de transports collectifs.

Elle tient compte de ses effets sur les procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l’habitation et L. 123-11 du code de l’urbanisme.

Elle tient compte également de la qualité environnementale du projet. »

Ce projet de loi a été déposé le 2 mai 2008 devant l’Assemblée Nationale (Projet de Loi n° 842 ; dossier sur le site de l’Assemblée Nationale) et est actuellement en discussion en première lecture devant cette chambre.

Nous reviendrons à l’occasion d’une prochaine flash sur les conséquences de ce texte sitôt qu’il sera publié au Journal officiel.


La présente synthèse est basée spécifiquement sur les décisions suivantes :

 © – Karila – Cyrille Charbonneau et Virginie Pourtier