La prescription de l’action à l’encontre du responsables est sans incidence sur l’action directe à l’encontre de l’assureur du responsable. (Civ. 3e, 24 octobre 2007) — Karila

La prescription de l’action à l’encontre du responsables est sans incidence sur l’action directe à l’encontre de l’assureur du responsable. (Civ. 3e, 24 octobre 2007)

Ancien ID : 586

Action directe. Prescription de l’action en responsabilité à l’encontre du responsable – caractère inopérant au regard de l’action directe à l’encontre de l’assureur du responsable
L’action directe de l’assureur Dommages ouvrage subrogé dans les droits de la victime, à l’encontre de l’assureur du responsable contre lequel il a voulu empêcher de prescrire est recevable alors même que l’action en responsabilité à l’encontre de l’auteur du dommage est prescrite, la mise en cause du responsable n’étant pas une condition de la recevabilité de l’action directe.

Source : Cass. 3ème civ., sect., 24 octobre 2007, n° 06-17295

1. L’arrêt rapporté a trait à l’action directe de l’assureur subrogé dans les droits de la victime à l’encontre de l’assureur de responsabilité décennale du constructeur, responsable de plein droit des dommages affectant la construction qu’il avait réalisée, la question posée et résolue par la Haute juridiction étant celle de savoir si la prescription de l’action à l’encontre du constructeur responsable devait ou non, par effet réflexe, entraîner celle de l’action directe à l’encontre de l’assureur de responsabilité décennale du constructeur dont s’agit.

2. On sait que l’action directe de la victime (ou de l’assureur subrogé dans les droits de celle-ci) à l’encontre de l’assureur du responsable se prescrit, en principe, dans le même délai que l’action de la victime (ou de son subrogé) contre le responsable, mais peut néanmoins être exercée au-delà de ce délai tant que l’assureur reste exposé au risque d’une action en garantie de son assuré, solution constante depuis un arrêt de principe du 11 mars 1986 (Cass 1re civ., 11 mars 1986, Bull civ. 1986, I, no 59, RGDA 1986.354 note J. Bigot, D. 1987, somm. p. 183, note H. Groutel).

On sait aussi que l’interruption de la prescription de l’action en responsabilité contre l’assuré est sans effet sur le cours de l’action directe contre l’assureur (Cass. 1re civ., 17 février 2005, no 03-16590, Bull. civ. 2005, I, no 34, RGDA 2005.433, note J.-P. Karila ; Cass 3e civ., 22 novembre 2006, no 05-18672, RGDA 2007.223, note J.-P. Karila ).

L’inverse de la seconde affirmation ci-dessus est également vrai : l’absence d’interruption de la prescription de l’action à l’encontre du responsable est sans effet sur le cours de l’action directe de la victime (ou de son subrogé) à l’encontre de l’assureur dudit responsable de sorte que l’absence d’interruption de la prescription d’une action en responsabilité ne peut affecter/annihiler l’effet interruptif de l’action directe dirigée contre l’assureur du responsable.

3. L’arrêt rapporté adopte cette solution, conforme, tant positivement qu’en quelque sorte négativement, au principe posé par l’article 2244 du Code Civil selon lequel l’effet interruptif d’une citation en justice, d’un commandement ou d’une saisie ne peut concerner que les personnes auxquelles elles ont été signifiées dans le dessein de « l’empêcher de prescrire » (Cass 3e civ., 23 février 2000, no 98-18340, Bull. civ. 2000, III, no 39, RGDA 2000.545, note J.-P. Karila ).

C’est ainsi que, dans la stricte logique et en continuité de ce qu’elle avait énoncé dans l’arrêt ci-dessus évoqué du 17 février 2005 selon lequel « l’interruption de la prescription de l’action en responsabilité dirigée contre l’assuré est sans effet sur l’action dirigée contre l’assureur », la Haute juridiction, par l’arrêt rapporté, valide un arrêt de la Cour de Versailles qui, nonobstant la prescription de l’action de l’assureur subrogé dans les droits de la victime à l’encontre du responsable, avait déclaré recevable l’action directe dudit assureur subrogé à l’encontre de l’assureur dudit responsable, au motif que la prescription de ladite action directe (calquée d’un point de vue temporel sur celle de l’action en responsabilité), avait été, quant à elle, interrompue.

La validation de l’arrêt d’appel s’appuie sur l’état du droit positif relativement aux conditions de fond exigées pour admettre la recevabilité de l’action directe de la victime contre l’assureur de responsabilité – abstraction faite de toute question de prescription – la Cour de cassation ayant désormais abandonné (infra, no 4) l’exigence d’une mise en cause du responsable dans le cadre d’une action directe à l’encontre de son assureur de responsabilité.

La Haute juridiction énonce en conséquence que dès lors que la Cour d’Appel avait relevé, qu’à l’égard de l’assureur du responsable, l’assignation en référé aux fins d’extension d’une mission d’expertise, délivrée à la requête de l’assureur Dommages Ouvrage, avait eu un caractère interruptif et que le dit assureur Dommages Ouvrage subrogé dans les droits et actions du maître de l’ouvrage « pouvait actionner directement l’assureur de responsabilité des constructeurs », ladite « action directe n’étant pas subordonnée à la mise en cause de l’assuré », la Cour d’Appel en avait « exactement déduit que l’action directe était recevable ».

4. Le rappel de la règle précitée selon laquelle la mise en cause de l’assuré n’est pas une condition de la recevabilité de l’action directe contre son assureur était nécessaire au soutien de la solution adoptée par les juges d’appel alors même qu’à l’époque de la délivrance de l’assignation de l’assureur dommages ouvrage subrogé dans les droits de la victime à l’encontre de l’assureur du responsable (29 décembre 1997), la mise en cause dudit responsable était encore exigée au regard du droit positif alors en vigueur.

Un arrêt du 5 novembre 1998 (Cass. 2e civ., 5 novembre 1998, no 96-14148, Bull. civ. 1998, II, no 257, RGDA 1999.121, note J. Landel, RTD civ. 1999.125) énonçait en effet que « l’exercice de l’action directe en réparation d’un dommage contre l’assureur exige la mise en cause de l’assuré, auteur prétendu de ce dommage, ou de ses ayants droit, à l’effet de fixer contradictoirement l’existence et le montant de la créance, ainsi que l’indemnité due par l’assureur ».

Mais il est désormais acquis, et sans aucun doute connu du demandeur au pourvoi, que, depuis un arrêt de principe du 7 novembre 2000 (Cass. 1re civ., 7 novembre 2000, no 97-22582, Bull. civ. 2000, I, no 274, RGDA 2000.1108, note J. Kullmann, D. 2001, somm. p. 3320, obs. H. Groutel), la Haute juridiction a abandonné sa position de principe constante depuis 1938 (Cass. civ., 13 décembre 1938, RGAT 1939.83, note M. Picard) et énonce depuis lors et constamment (par exemple : Cass. 1re civ., 18 décembre 2001, no 99-10298 ; Cass. 3e civ., 15 mai 2002, no 00-18541, Bull. civ. 2002, III, no 98, RGDA 2002.747, note L. Mayaux ; Cass. 1re civ., 27 janvier 2004, no 02-12972 ; Cass. 3e civ., 16 mars 2005, no 03-19892, Bull. civ. 2005, III, no 66) qu’il résulte de l’article L. 124-3 du Code des assurances que la recevabilité de l’action directe contre l’assureur n’est pas subordonnée à l’appel en la cause de l’assuré par la victime.

5. La publication de l’arrêt au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation ne semble justifiée qu’au regard de la témérité du pourvoi qui sollicitait de la Cour qu’elle modifie sa position consacrée depuis novembre 2000 relativement à l’exercice de l’action directe de la victime ou de son subrogé à l’encontre de l’assureur du responsable d’une part, comme celle ci-dessus évoquée résultant du principe énoncé par l’arrêt précité du 17 février 2005, quant à l’indépendance (relative) des actions en responsabilité à l’encontre du responsable et celle à l’encontre de l’assureur dudit responsable d’autre part.

Le présent arrêt souligne que la Haute juridiction ne semble pas disposée à opérer de nouveaux revirements de jurisprudence à ces deux titres.

Jean-Pierre Karila – RGDA 2008 – 1 – p. 124

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