Assurance dommages ouvrage – Accessoire de l’immeuble vendu (non) – Attestation d’assurance. Notaire. Responsabilité (Cass. 3e civ., 2 mars 2011) — Karila

Assurance dommages ouvrage – Accessoire de l’immeuble vendu (non) – Attestation d’assurance. Notaire. Responsabilité (Cass. 3e civ., 2 mars 2011)

L’acquéreurd’un ouvrage qui aurait dû faire l’objet d’une assurance dommages ouvrage ne peut prétendre à une indemnité pour inexécution de l’obligation de délivrance, l’assurance dommages ouvrage n’étant pas un accessoire de l’immeuble et n’empêchant pas la vente de l’ouvrage.

La Cour d’appel qui constate que l’attestation d’assurance dommages ouvrage se réfère exclusivement à un bâtiment d’habitation d’où il résultait que les réalisations extérieures à celui-ci n’entraient pas dans le champ de la garantie, et qu’au surplus l’acquéreur avait reconnu avoir reçu une photocopie de la police d’assurance qui visait uniquement une maison d’habitation, peut en déduire que le défaut de renseignement ou de loyauté allégué n’était pas constitué.

Cour de cassation (3e Ch. civ) 2 mars 2011 Pourvoi no 09-72576 – Publié au Bulletin

La Cour,

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Caen, 13 octobre 2009), que, par acte reçu le 21 janvier 1994 par M. Z…, notaire, les époux A… ont vendu à Mme X… une propriété composée d’une maison d’habitation avec « terrasse couverte, tennis, piscine et local technique, emplacement de parking en extérieur couvert » ; qu’en octobre 2000, lors d’une forte bourrasque, la charpente du préau, correspondant en partie au dit « emplacement de parking en extérieur couvert », s’est effondrée ; que n’ayant été indemnisée ni par la société AGF, son assureur multirisques habitation, aux motifs de défauts dans la construction de l’ouvrage, ni par la société MMA, assureur dommages-ouvrage, aux motifs que l’ouvrage litigieux n’avait pas été inclus dans l’opération de construction objet du contrat, Mme X…, a assigné M. A… en indemnisation de ses préjudices ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de réparation formée contre M. A…, alors, selon le moyen :

1o/ que, lorsque le vendeur a fait édifier une construction et que cette construction entrait dans le champ de l’assurance dommages-ouvrage dont la souscription est obligatoire, il lui incombe, au titre de son obligation de délivrance qui porte non seulement sur la chose, mais sur les accessoires, de transmettre à l’acquéreur une assurance dommages-ouvrage couvrant les constructions qu’il a fait édifier ; qu’en l’espèce, il résulte des énonciations des juges du fond que M. A… a fait édifier sur le terrain qu’il avait acquis une construction, au cours de l’année 1991, que cette construction devait obligatoirement donner lieu à une assurance dommages-ouvrage, et qu’aucune assurance dommages-ouvrage n’a été souscrite s’agissant de la construction en cause ; qu’en refusant de condamner le vendeur à réparation, quand ses propres constatations faisaient apparaître qu’il n’avait pas satisfait à son obligation de délivrance en tant qu’elle portait sur l’assurance dommages ouvrage, accessoire de la chose, les juges du fond ont violé les articles 1137 et 1147 du Code civil, ensemble les articles 1604 et 1615 du Code civil ;

2o/ que, s’il fallait considérer que l’indisponibilité susceptible d’affecter de facto le bien, à titre provisoire et pendant la durée des garanties légales, est trop sévère pour le vendeur, il conviendrait à tout le moins de décider que l’obligation de délivrance ne peut être satisfaite, en l’absence d’assurance dommages-ouvrage, qu’en présence d’une clause stipulant formellement que la vente porte sur un immeuble non couvert par l’assurance dommages-ouvrage ; qu’en l’espèce, l’acte de vente du 21 janvier 1994 ne comportait aucune clause en ce sens ; qu’ainsi, l’arrêt doit à tous égards être censuré pour violation des articles 1137 et 1147 du Code civil, ensemble les articles 1604 et 1615 du Code civil ;

3o/ que, et en tout cas, faute d’avoir recherché, comme l’avaient retenu les premiers juges, la confirmation du juge étant demandée, si dans le cadre de la vente l’acquéreur ne pouvait se prévaloir de ce que, antérieurement à la vente, et contrairement aux règles légales applicables, le vendeur s’était abstenu de souscrire une assurance dommages ouvrages, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1137, 1147 et 1792 du Code civil, ensemble les articles L. 242-1 et L. 111-30 du Code des assurances ;

Mais attendu qu’ayant relevé que le préau relevait de l’assurance de dommages obligatoire prévue par l’article L. 242-1 du Code des assurances et exactement retenu que le défaut de souscription de cette assurance, laquelle n’est pas un accessoire indispensable de l’immeuble vendu, n’empêchait pas la vente de l’ouvrage, la cour d’appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le second moyen :

Attendu que Mme X… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de réparation formée contre M. A…, alors, selon le moyen :

1o/ que lorsque l’assurance dommages-ouvrage est obligatoire, et que le vendeur, par dérogation aux règles légales, n’a pas souscrit l’assurance dommages-ouvrage, il est tenu d’attirer spécialement l’attention de l’acquéreur sur cette absence d’assurance ; qu’en considérant comme suffisant le fait que l’attestation d’assurance dommages-ouvrage annexée à l’acte de vente ne vise que la rénovation des bâtiments d’habitation, ou encore que la police ait été transmise à l’acquéreur avant la vente, sans qu’il y ait eu démarche du vendeur pour attirer l’attention de l’acquéreur sur la circonstance qu’une partie des constructions n’était pas couverte par l’assurance, les juges du fond ont violé les articles 1134, 1135, 1147 et 1602 du Code civil ;

2o/ que l’assurance dommages-ouvrage étant obligatoire, l’obligation de loyauté pesant sur le vendeur commande que celui-ci attire formellement l’attention de l’acquéreur sur l’absence d’assurance dommages-ouvrage ; qu’en considérant comme suffisant le fait que l’attestation d’assurance ne vise que les bâtiments d’habitation ou encore que l’acquéreur ait eu une copie de la police avant la vente, quand il était nécessaire que le vendeur attire formellement l’attention de l’acquéreur sur le fait qu’une partie des constructions n’était pas couverte par l’assurance, les juges du fond ont violé l’article 1134, alinéa 3, du Code civil ;

Mais attendu qu’ayant constaté que l’attestation d’assurance dommages-ouvrage annexée à l’acte de vente, à laquelle cet acte renvoyait, paraphée par Mme X…, énonçait clairement que la garantie accordée valait « pour les travaux de rénovation des bâtiments d’habitation effectués sur existant entre le 1er mars 1991 et le 1er juillet 1991 » et relevé que Mme X… avait été ainsi informée des limites de cette assurance, excluant les réalisations extérieures aux bâtiments d’habitation rénovés, d’autant plus qu’elle avait reconnu avoir reçu une photocopie de la police, dont le seul exemplaire produit, daté du 18 décembre 1993, visait uniquement une maison d’habitation, la cour d’appel a pu en déduire que le défaut de renseignement ou de loyauté allégué n’était pas constitué ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Par ces motifs :

Rejette le pourvoi.

Note

1. L’arrêt rapporté qui valide un arrêt de la Cour de Caen présente l’intérêt de rappeler la règle déjà établie selon laquelle l’assurance dommages ouvrage n’est pas un accessoire de l’immeuble d’une part, et de se prononcer sur la portée d’une attestation d’assurance d’autre part.

L’arrêt rapporté est par ailleurs relatif à une espèce dans le cadre de laquelle les juges du fond avaient retenu la responsabilité du notaire rédacteur de l’acte de vente pour n’avoir pas attiré l’attention de l’acquéreur sur l’absence d’assurance dommages ouvrage portant sur les ouvrages extérieurs à la maison d’habitation.

Assurance dommages ouvrage et obligation de délivrance

2. Les époux A…, vendent à Mme X…, une propriété composée d’une maison d’habitation avec divers accessoires comme notamment un cours de tennis, une piscine, un local technique et un emplacement de parking en extérieur couvert.

Lors d’une tempête la charpente du préau correspondant en partie à l’emplacement de parking en extérieur s’effondre.

Les travaux de rénovation du bâtiment d’habitation avaient fait l’objet de la souscription d’une assurance dommages ouvrage, mais aucune assurance dommages ouvrage n’avait été souscrite concernant la construction ou la rénovation des ouvrages extérieurs dont le parking couvert précité.

3. Dans le cadre de la procédure au fond qui a conduit à un arrêt de la Cour de Caen du 13 octobre 2009, Mme X…, reprochait :

– aux époux A…, un défaut de loyauté pour ne l’avoir pas informé du défaut de souscription d’une assurance dommages ouvrage, concernant les ouvrages extérieurs ;

– et au notaire rédacteur de l’acte de vente l’absence d’indication dans celui-ci de l’absence d’assurance dommages ouvrage pour le préau, l’attestation produite et annexée à l’acte de vente ne portant que sur la maison d’habitation elle-même et non sur les ouvrages extérieurs.

4. La Cour de Caen déboutait Mme X…, de son action à l’encontre des époux A…, et entrait en condamnation à l’encontre du notaire pour n’avoir pas fait mention de l’absence d’assurance dommages ouvrage pour le préau, et ou encore pour n’avoir pas averti l’acquéreur de l’efficacité seulement partielle de l’assurance dommages ouvrage qui avait été souscrite puisqu’aussi bien son objet ne concernait que la maison d’habitation stricto sensu.

5. Au soutien de son premier moyen de cassation, comportant 3 branches, Mme X…, faisait grief à la Cour de Caen, qui l’avait déboutée de sa demande d’indemnisation à l’encontre du sieur A…, :

– une violation des articles 1137 et 1147 du Code civil, ensemble les articles 1604 et 1615 dudit code pour n’avoir pas tiré les conséquences de ses propres constatations desquelles il résultait que le sieur A…, n’avait pas satisfait à son obligation de délivrance en tant qu’elle portait sur l’assurance dommages ouvrage, accessoire de la chose (première branche) ;

– une violation des articles 1137 et 1147 du Code civil, ensemble les articles 1604 et 1615 dudit code, pour n’avoir pas décidé que dès lors que l’obligation de délivrance ne pouvait être satisfaite en l’absence d’assurance dommages ouvrage, il eu fallu que l’acte comportât une clause stipulant formellement que la vente portait sur l’immeuble non couvert par l’assurance dommages ouvrage (deuxième branche) ;

– un défaut de base légale au regard des articles 1137, 1147 et 1792 du Code civil, ensemble les articles L. 242-1 et L. 111-30 (sic) du Code des assurances pour n’avoir pas recherché, comme l’avait retenu le premier juge, si dans le cadre de la vente l’acquéreur ne pouvait se prévaloir de ce qu’antérieurement à celle-ci et contrairement aux règles légales applicables, le vendeur s’était abstenu de souscrire une assurance dommages ouvrage (troisième branche).

6. La Cour de cassation rejette le moyen et énonce qu’ayant relevé que le préau relevait de l’assurance Dommages obligatoire prévue par l’article L. 242-1 du Code des assurances et exactement retenu que le défaut de souscription de cette assurance, laquelle n’est pas un accessoire de l’immeuble vendu, n’empêchait pas la vente de l’ouvrage, la Cour d’Appel avait légalement justifié sa décision.

La motivation de la validation de l’arrêt de la Cour de Caen est parfaitement satisfaisante en ce qu’elle répond nécessairement aux trois branches de moyen de cassation alors même que le motif de validation ne vise que l’article L. 242-1 du Code des assurances ne comporte pas le visa des articles du Code civil dont la violation était arguée.

Cette solution est d’ailleurs conforme à une solution déjà acquise (Cass. 3e civ., 13 novembre 2003, no 02-13974, Bull. civ. III, no 201).

Portée et contenu de l’attestation d’assurance

7. On sait qu’un assureur peut engager sa responsabilité à l’égard des tiers lorsque l’attestation qu’il délivre est insuffisante à éclairer le tiers sur l’étendue des garanties souscrites et leur champ d’application.

En la circonstance, l’assureur avait délivré une attestation visant uniquement la maison d’habitation. La Cour de Caen en avait déduit que Mme X…, avait ainsi été informée des limites de l’assurance excluant les réalisations extérieures au bâtiment d’habitation rénové d’autant plus qu’elle avait reconnu avoir reçu une photocopie de la police qui visait uniquement une maison d’habitation. La Cour de Caen avait en conséquence refusé de retenir le défaut de loyauté ou encore de renseignement allégué par Madame X…

8. Aux termes de son second moyen de cassation portant deux branches se recoupant, Mme X… reprochait essentiellement à la Cour de Caen, alors qu’en l’absence d’assurance dommages ouvrage le vendeur aurait dû spécialement attirer son attention sur le fait qu’une partie des constructions n’était pas couverte par l’assurance dommages ouvrage, d’avoir considéré comme suffisants le fait que l’attestation d’assurance ne visait que le bâtiment d’habitation d’une part, et que la police elle-même visait seulement ladite maison d’habitation.

La Haute Juridiction valide l’arrêt de la Cour de Caen dans le cadre d’un simple contrôle de motivation, en énonçant que dès lors que la Cour d’Appel avait constaté que l’attestation d’assurance énonçait clairement que la garantie accordée, concernait les travaux de rénovation du bâtiment d’habitation, et relevait que Mme X… avait ainsi été informée des limites de cette assurance excluant les réalisations extérieures au bâtiment d’habitation rénové d’une part, et qu’elle avait reconnu avoir reçu la photocopie de la police qui visait uniquement ladite maison d’habitation d’autre part, la Cour d’Appel avait pu en déduire que le défaut de renseignement ou de loyauté allégué n’est pas constitué.

On ne peut qu’approuver ici encore le rejet du moyen du pourvoi.

Sur la responsabilité du notaire rédacteur d’acte

9. L’article L. 243-1 alinéa 1o du Code des assurances énonce que :

« Lorsqu’un acte intervenant à l’expiration du délai de 10 ans prévu à l’article 1792-4.1 (nouvelle numérotation de l’article 2270) du Code civil a pour effet de transférer la propriété ou la jouissance du bien ,quelque soit la nature du contrat destiné à conférer ces droits, à l’exception toutefois des baux à loyer, mention doit être faite dans le corps de l’acte ou en annexe de l’existence ou de l’absence d’assurance ».

On sait que cette obligation pèse naturellement sur le notaire rédacteur de l’acte et que la jurisprudence retient sa responsabilité dans des conditions quelquefois sévères puisqu’elle décide que non seulement le notaire doit rappeler dans l’acte de vente l’existence ou l’absence d’assurance dommages ouvrage, il doit lorsque celle-ci a été effectivement souscrite, vérifier l’efficacité de ladite assurance (sur la question voir Lamy Assurances 2011, chapitre « Domaine des assurances obligatoires » par J.-P. Karila, nos 3163 et 3164 et P. Dessuet, RGDA 2011, p. 397).

10. La Cour de Caen avait, comme déjà signalé ci-dessus (supra no 1) retenu la responsabilité du notaire pour n’avoir pas attiré l’attention de l’acquéreur sur l’absence d’assurance dommages ouvrage relativement aux dommages extérieurs.

Cette solution n’a pas été remise en cause devant la Haute Juridiction, le notaire n’étant pas partie, ou plus partie (après désistement …) à la procédure.

Il reste que cette situation conduit au paradoxe particulièrement frustrant pour le notaire, puisqu’aussi bien il aura été définitivement jugé l’absence de toute carence tant du vendeur que de l’assureur dommages ouvrage, au regard de l’obligation de renseignement ou de loyauté, impliquant que l’acquéreur ait été totalement et loyalement informé de l’absence de souscription d’assurance dommages ouvrage pour les ouvrages extérieurs, tandis que la responsabilité du notaire aura été retenue pour n’avoir pas attiré l’attention de l’acquéreur quant à ce !…

Comprenne qui pourra…

J.-P. Karila – RGDA n° 2011-03, P. 761

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