Activité déclarée – Limites de l’assurance. Attestation d’assurance. Responsabilité de l’assureur (Cass. 3e. civ., 17 décembre 2003) — Karila

Activité déclarée – Limites de l’assurance. Attestation d’assurance. Responsabilité de l’assureur (Cass. 3e. civ., 17 décembre 2003)

Ancien ID : 121

Assurance de responsabilité décennale

Assurance de responsabilité civile

Jean-Pierre Karila

Activité déclarée – Limites de l’assurance. Attestation d’assurance. Responsabilité de l’assureur.

Si le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire que doit souscrire tout constructeur ne peut comporter des clauses d’exclusion autres que celles prévues par l’annexe I à l’article A 243-1 du Code des Assurances, la garantie de l’assureur ne concerne néanmoins que le secteur d’activité professionnelle déclarée par le constructeur (les six espèces).

Ce principe fait obstacle à l’application de la règle proportionnelle de l’article L 113-9 du Code des Assurances (première espèce implicite).

Ne viole pas l’article 1134 du Code Civil, la Cour d’appel qui considère que l’activité de terrassement et empierrement pour digue n’est pas couverte par le contrat d’assurance garantissant les activités de terrassements et empierrements à l’exclusion des travaux sur aérodromes, usinages ou tirs de mine, dès lors qu’elle a retenu, sans dénaturation, par des motifs non critiqués, que la police d’assurance de responsabilité civile ne garantissait pas les conséquences de la mauvaise qualité des biens livrés ou des travaux réalisés (deuxième espèce).

Viole l’article 1382 du Code Civil, ensemble les articles L 241-1 et R 243 alinéa 2 du Code des Assurances, la Cour d’appel qui déboute le maître d’ouvrage de son action délictuelle à l’encontre de l’assureur qui a délivré une attestation ne faisant pas mention de l’activité déclarée par le constructeur (troisième espèce).

Cour de Cassation (3èmeCh. Civ.)

17 décembre 2003

Cie AXA CONSEIL IARD c/ Mr P. LEPREVIER & autres

Pourvoi n° 01-12291, Bull. n° 235

La Cour.

Sur le moyen unique du pourvoi en ce qu’il est dirigé contre l’arrêt du 28 mars 2001 :

Vu les articles L. 241-1, alinéa 1, et A. 243-1 du Code des assurances ;

Attendu que toute personne physique ou morale, dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de la présomption de responsabilité établie par les articles 1792 et suivants du Code civil à l’occasion de travaux de Bâtiment, doit être couverte par une assurance ;

que tout contrat d’assurance souscrit pour l’application du titre IV du livre II doit obligatoirement comporter les clauses figurant à l’annexe I à l’article A. 243-1 du Code des assurances en ce qui concerne l’assurance de responsabilité, à l’annexe II au présent article en ce qui concerne l’assurance de dommages ; que toute autre clause du contrat ne peut avoir pour effet d’altérer d’une quelconque manière le contenu ou la portée de ces clauses, sauf si elle s’applique exclusivement à des garanties plus larges que celles prévues par le titre IV visé à l’alinéa précédent ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Rennes, 12 avril 2000 et 28 mars 2001), que Mme X… a, en février 1993, donné à bail aux époux Y… une maison d’habitation qui a été en partie détruite par un incendie le 7 décembre 1994 ; que la société Abeille assurances, assureur de Mme X…, a assigné en remboursement de l’indemnité versée à celle-ci les époux Y…, qui ont appelé en garantie M. Le Z…, entrepreneur, qui avait procédé en 1987 à des travaux de rénovation de la cheminée, lequel a lui-même demandé la garantie son assureur, la compagnie Axa conseil IARD (AXA), venant aux droits de la compagnie Union des assurances de Paris ;

Attendu que pour condamner la compagnie AXA à garantie, l’arrêt retient que celle-ci n’est pas fondée à exciper du fait que M. Le Z… aurait exercé une activité de fumisterie non garantie puisqu’elle ne lui reproche pas d’avoir exercé cette activité “ab initio”, ou en cours de contrat, sans la déclarer dans l’intention de diminuer l’opinion que l’assureur pouvait se forger du risque, selon la règle posée par l’article L. 113-8 du Code des assurances, et que cet assureur est défaillant dans l’administration de la preuve, qui lui incombe, de ce que la déclaration du risque découlant de l’exercice de cette activité à partir d’une certaine date dans la vie de l’entreprise de son assuré aurait emporté une sur-tarification ;

Qu’en statuant ainsi, alors que si le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire que doit souscrire tout constructeur ne peut comporter des clauses d’exclusion autres que celles prévues par l’annexe I à l’article A. 243-1 du Code des assurances, la garantie de l’assureur ne concerne que le secteur d’activité professionnelle déclaré par le constructeur, la cour d’appel qui a constaté que l’activité déclarée à l’assureur par M. Le Z… n’était pas celle de fumisterie à l’occasion de laquelle le sinistre s’était produit, mais celle de plâtrerie, a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu’aucun moyen n’étant dirigé contre l’arrêt du 12 avril 2000 ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi en ce qu’il est dirigé contre l’arrêt du 12 avril 2000 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société AXA conseil IARD, venant aux droits des sociétés AXA assurances, et précédemment UAP, à garantir M. Patrick Le Z… des condamnations prononcées à l’encontre de celui-ci, l’arrêt rendu le 28 mars 2001, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ;

Cour de Cassation (3èmeCh. Civ.)

17 décembre 2003

Ste JORDANAISE DE TRAVAUX PRODUCTION TRANSACTION GESTION c/ Ste BIGOURDANE DE TRAVAUX PUBLICS (SBTP) & autres

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Pau, 28 novembre 2001), que la société Jordannaise de travaux production transaction et gestion (JTPTG) a fait réaliser par la société Bigourdane de travaux publics (SBTP), assurée auprès de la compagnie PFA, aux droits de laquelle se trouve la compagnie Assurances générales de France, divers travaux de réfection et de surélévation d’une digue et d’enrochement qui ont présenté des désordres ; que la société maître de l’ouvrage a assigné la société SBTP et son assureur en réparation des dommages subis ;

Attendu que la société JTPTG fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande tendant à obtenir la garantie de la compagnie PFA, alors, selon le moyen, que les malfaçons de nature à entraîner la garantie décennale entrent nécessairement dans le champ d’application de la garantie prévue par le contrat d’assurance “responsabilité décennale” que le constructeur a l’obligation légale de souscrire (violation de l’article L. 241-1 du Code des assurances) ;

Mais attendu que si le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire que doit souscrire tout constructeur ne peut comporter des clauses et exclusions autres que celles prévues par l’annexe 1 à l’article A 243-1 du Code des assurances, la garantie de l’assureur ne concerne que le secteur d’activité déclaré par le constructeur ; qu’ayant relevé que la construction de l’ouvrage édifié pour la société JTPTG, n’entrait pas dans la catégorie des activités de construction de bâtiment, ni d’aucune des “familles professionnelles” prévues au contrat qui mentionne l’activité de VRD, la cour d’appel a pu en déduire que la société SBTP n’était pas assurée au titre de ce contrat ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société JTPTG fait grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes contre la compagnie PFA, fondées sur le contrat d’assurance garantissant la responsabilité civile des entrepreneurs, alors, selon le moyen, que le contrat “responsabilité civile des entrepreneurs” garantissait les activités de terrassements et empierrements à l’exclusion des travaux sur aérodromes, usinages ou tirs de mine ; qu’en considérant que l’activité de terrassement et enrochement pour digue n’était pas couverte par ce contrat même si elle ne relevait pas de la garantie décennale, la cour d’appel en a dénaturé les termes clairs et précis (violation de l’article 1134 du Code civil) ;

Mais attendu que la cour d’appel ayant retenu, sans dénaturation, par des motifs non critiqués, que la police d”assurance de responsabilité ne garantissait pas les conséquences de la mauvaise qualité des biens livrés ou des travaux réalisés, le moyen n’est pas fondé ;

Sur le troisième moyen

(Sans intérêt).

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de Cassation (3èmeCh. Civ.)

17 décembre 2003

Epoux PIGASSOU c/ Cie GAN & autres

La Cour.

Sur le premier moyen :

Attendu que les époux A… font grief à l’arrêt de les débouter de leur demande en réparation du coût des travaux de réfection de leur toiture dirigée contre le GAN, alors, selon le moyen, que toute personne physique ou morale, dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivant du Code civil à l’occasion de travaux de bâtiment, doit être couverte par une assurance, et que tout contrat d’assurance souscrit en vertu de cet article est, nonobstant toute clause contraire, réputé comporter des garanties au moins équivalentes à celles figurant à l’annexe I de l’article A 243-1 du Code des assurances ; que si la garantie du constructeur ne concerne que le secteur d’activité professionnelle déclaré à son assureur, ce secteur doit tenir compte des techniques particulières et des compétences spécifiques correspondant aux qualifications que l’assuré avait obtenues à la date de la souscription de son contrat d’assurance ;

que les travaux de charpente exécutés par M. Z…, déclaré au registre du commerce et des sociétés en tant que charpentier, sont le complément nécessaire de ceux de couverture zinguerie déclarés à son assureur et font partie du même secteur d’activité ; que la cour d’appel a violé, ensemble, les articles L. 241-1, L. 243-8 et A. 243-1 du Code des assurances ;

Mais attendu que, si le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire que doit souscrire tout constructeur ne peut comporter des clauses et exclusions autres que celles prévues par l’annexe I à l’article A. 243-1 du Code des assurances, la garantie de l’assureur ne concerne que le secteur d’activité professionnelle déclaré par le constructeur ; qu’ayant constaté que M. Z… avait souscrit dans le cadre de sa responsabilité civile décennale une police dont les conditions particulières signalaient qu’il n’exerçait que l’activité codifiée sous le n° 22 concernant la couverture et la zinguerie et non celle codifiée sous le n° 16 visant les “travaux courants de charpente”, la cour d’appel a retenu, à bon droit, que la garantie de l’assureur ne pouvait s’appliquer à un sinistre survenu à l’occasion de l’activité de charpente ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l’article 1382 du Code civil ensemble les articles L. 241-1 et R. 243-2, alinéa 2, du Code des assurances ;

Attendu que pour débouter les époux A… de leur action en responsabilité quasi délictuelle dirigée contre la compagnie GAN, l’arrêt retient que s’agissant de l’objet même de la garantie et non d’une exclusion de garantie, l’attestation d’assurance délivrée par cet assureur n’avait pas à faire mention de l’activité déclarée et qu’aucune faute de nature à induire les tiers en erreur ne saurait lui être reprochée ;

que cette attestation étant simplement destinée à certifier, de manière concise, l’existence d’un contrat d’assurance responsabilité civile décennale en cours de validité, il appartenait aux époux A… de s’enquérir auprès de l’entrepreneur des garanties souscrites, voir d’en exiger la justification ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’assurance de responsabilité obligatoire dont l’existence peut influer sur le choix d’un constructeur étant imposée dans l’intérêt des maîtres d’ouvrage, il appartient à l’assureur, tenu d’une obligation de renseignement à l’égard de son assuré à qui il délivre une attestation nécessairement destinée à l’information des éventuels bénéficiaires de cette garantie, de fournir dans ce document les informations précises sur le secteur d’activité professionnelle déclaré, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute les époux A… de leur action en responsabilité quasi délictuelle

Cour de Cassation (3èmeCh. Civ.)

17 décembre 2003

Mr. D. CHESNEL c/ Ste AGF & autres

La Cour.

Sur le second moyen :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Caen, 26 septembre 2000), qu’un incendie trouvant son origine dans le fonctionnement d’un insert posé par M. X…, entrepreneur, assuré en responsabilité civile décennale par la compagnie Abeille Assurances (la compagnie Abeille), aux droits de laquelle se trouve la société CGU France, ayant endommagé la maison de M. Y…, assuré par la compagnie la Préservatrice Foncière Assurances, aux droits de laquelle se trouve la compagnie Assurances Générales de France, cette dernière a assigné en remboursement de l’indemnité versée à son assuré la compagnie Abeille et M. X…, qui a reconventionnellement demandé la garantie de son assureur ;

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :

1 / que l’assureur ne peut opposer une clause d’exclusion que s’il justifie l’avoir portée à la connaissance de son assuré au plus tard lors de la souscription de la police ; qu’en ne s’assurant pas que cette condition était remplie, sachant que M. X… avait souligné dans ses conclusions d’appel que la clause d’exclusion en cause n’était pas insérée dans un document revêtu de sa signature et qu’il n’en avait découvert les termes qu’à l’occasion de la procédure, pour en déduire que l’exclusion était dépourvue de tout caractère contractuel, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 112-4 du Code des assurances ;

2 / que les clauses des polices édictant des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ;

qu’en ne s’assurant pas que cette condition pouvait être considérée comme remplie compte tenu de ce que l’exclusion était mentionnée dans un paragraphe intitulé “Nous garantissons (…)”, et que seul le mot “exclusion” figurait en majuscules, l’objet de l’exclusion étant quant à lui mentionné avec la même typographie que le reste du texte, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard de l’article L. 212-4 du Code des assurances ;

3 / que tout contrat d’assurance souscrit par une personne assujettie à l’obligation d’assurance est, nonobstant toute clause contraire, réputé comporter des garanties au moins équivalentes à celles figurant dans les clauses types de l’annexe I à l’article A.243-1 du Code des assurances ; que la clause excluant du champ de la garantie la pose d’inserts, qui a pour conséquence d’exclure de la garantie certains travaux réalisés par M. X… dans l’exercice de son activité d’entrepreneur en bâtiment, fait donc échec aux règles d’ordre public relatives à l’étendue de l’assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction et doit, par suite, être réputée non écrite ; qu’ainsi, l’arrêt a été rendu en violation des articles L. 241-1, L. 243-8 et A.243-1 du Code des assurances et de l’annexe I à ce dernier article ;

Mais attendu que si le contrat d’assurance de responsabilité que doit souscrire tout constructeur ne peut comporter des clauses d’exclusion autres que celles prévues à l’article A 243-1 du Code des assurances, la garantie de l’assureur ne concerne que le secteur d’activité professionnelle déclaré par le constructeur ; qu’ayant constaté que M. X…, assuré pour sa responsabilité civile décennale et sa responsabilité civile “travaux”, avait, aux termes des conditions particulières de la police qu’il avait souscrites, déclaré effectuer tous travaux de fumisterie “à L’exclusion de la pose d’inserts” et souverainement retenu que cette exception unique n’avait pu échapper à son attention puisque soulignée par la formulation en caractères majeurs du terme exclusion, la cour d’appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le premier moyen qui ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de Cassation (3èmeCh. Civ.)

9 décembre 2003

Mr. P. FRANCILLARD c/ Mr. JC. BELAT

La Cour.

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu qu’ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que la société RCM avait déclaré à son assureur, au titre de sa responsabilité décennale, exercer en propre l’activité de fabrication de charpente et ossature bois et sous-traiter l’activité de fabrication, pose, montage, levage de charpentes métalliques, que les travaux de fabrication, pose, montage et levage de charpentes métalliques réalisés pour l’ouvrage de M. X… et affectés de désordres avaient été exécutés par la société RCM elle-même, la cour d’appel a pu écarter la garantie de la compagnie Assurances générales de France (AGF) qui n’était tenue de garantir que les activités déclarées au contrat et débouter M. X… de ses demandes à son encontre ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de Cassation (3èmeCh. Civ.)

12 novembre 2003

Epoux GREGOR c/ Cie WINTERTHUR ASSURANCES & autres

La Cour.

Sur le moyen unique :

Vu l’article L. 241-1 du Code des assurances ;

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d’instance d’Uzès, 25 octobre 2001), rendu en dernier ressort, que M. et Mme X… ont confié, suivant marché de travaux, la construction d’une maison à usage d’habitation à la société Egée, depuis en liquidation judiciaire avec M. Y… en qualité de liquidateur, assurée auprès de la compagnie Winterthur assurances ; qu’à la suite de l’apparition de désordres, les maîtres de l’ouvrage ont demandé réparation de leur préjudice ;

Attendu que pour rejeter leur demande formée à l’encontre de l’assureur, le jugement retient que les désordres relèvent de la garantie décennale, que le contrat liant M. et Mme X… à la société Egée intitulé “marché de travaux” était un contrat de construction de maison individuelle et que la police d’assurance souscrite auprès de la compagnie Winterthur assurances n’avait pas pour but de garantir la société Egée pour une prestation de constructeur de maisons individuelles, mais se trouvait destinée à garantir un simple marché de travaux ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher si les activités déclarées par le constructeur lors de la souscription du contrat d’assurances ne correspondaient pas aux travaux à l’origine des désordres, indépendamment de la forme du contrat conclu avec les maîtres de l’ouvrage, le Tribunal n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que M. et Mme X… ont été déboutés de leur demande dirigée à l’encontre de la compagnie d’assurances Winterthur, le jugement rendu le 25 octobre 2001, entre les parties, par le tribunal d’instance d’Uzès ;

Note. 1. Le 17 décembre 2003, la Cour Suprême a rendu quatre arrêts sous la Présidence de Monsieur CHEMIN, Conseiller doyen faisant fonction de Président destinés pour les trois premiers (première, deuxième et troisième espèce) une très large diffusion, le quatrième devant être inédit (quatrième espèce) lesdits arrêts étant eux-mêmes précédés de deux arrêts également inédits mais néanmoins rendus sous la présidence de Monsieur WEBER, Président de la 3ème chambre civile (cinquième et sixième espèce).

1) Le contrat d’assurance obligatoire de la responsabilité décennale ne garantit que le secteur d’activité professionnelle déclaré par le constructeur.

2. Par ces arrêts, la 3ème chambre civile rappelle la règle posée par la 1ère chambre civile dans deux arrêts de principe des 29 avril et 28 octobre 1997 (bull. civ. I n°131 et 295, RGDA 1997 p.1044 note JP KARILA ; H.GROUTEL « l’objet de la garantie de l’assureur décennal » RCA 1998, chron. n°4) selon laquelle si le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire (décennale) que doit souscrire tout constructeur, ne peut comporter des clauses d’exclusion autres que celles prévues à l’article A 243-1 du Code des Assurances, la garantie de l’assureur ne concerne que le secteur d’activité professionnelle déclarée par ledit constructeur (voir sur la question et la jurisprudence rendue en application des deux arrêts de principe précités, JP KARILA et J.KULLMANN, LAMY ASSURANCES 2004, assurance de responsabilité décennale n°2891 c).

Au demeurant, cette règle ne fait que traduire un principe général du droit des assurances tant dans d’autres matières qu’en matière de construction immobilière en dehors du domaine des assurances obligatoires comme cela a été le cas indirectement mais nécessairement dans la deuxième espèce rapportée où le demandeur au pourvoi reprochait notamment (deuxième moyen) à la Cour de PAU d’avoir écarté l’application d’un contrat d’assurance de responsabilité civile (l’entrepreneur disposait de deux contrats distincts, l’un relatif à la couverture d’assurance de sa responsabilité décennale, l’autre relatif à la couverture d’assurance de sa responsabilité civile de droit commun) étant observé que bien évidemment il n’était pas soutenu dans le moyen rejeté par la Cour Suprême que la clause limitant la garantie aux activités déclarées était illicite, mais qu’elle avait été dénaturée ; cela a été également le cas dans la troisième espèce rapportée s’agissant d’un constructeur assuré aux termes d’un contrat unique tant pour « sa responsabilité civile décennale » que pour « sa responsabilité civile travaux », la Cour Suprême ayant validé l’arrêt de la Cour de CAEN qui avait pour ces deux types d’assurances écarté de la garantie de l’assureur pour des travaux réalisés en dehors du secteur d’activité déclaré par le constructeur.

2) Le principe selon lequel la garantie de l’assureur de responsabilité décennale ne couvre que le secteur d’activité professionnelle déclarée par le constructeur, exclut toute application de la règle proportionnelle édictée par l’article L 113-9 du Code des Assurances.

3. Ce principe est majeur et semble donc transcender et primer d’autres règles édictées par le Code des Assurances puisqu’en définitive, il ne peut être contourné par la revendication de l’application de la règle proportionnelle énoncée par l’article L 113-9 du Code des Assurances dans l’hypothèse d’une aggravation du risque déclaré.

On rappellera ici que dans le cadre de l’arrêt précité du 29 avril 1997, la Cour Suprême avait négligé la troisième branche du moyen du pourvoi – qui revendiquait justement l’application dudit article L 113-9 du Code des Assurances – estimant qu’il n’y avait pas lieu de statuer à cet égard (troisième branche du moyen).

Dans cette perspective, on observera que dans le cadre de la première espèce rapportée, la Cour Suprême a cassé l’arrêt rendu par la Cour de RENNES le 28 mars 2001 pour violation des articles L 241-1 alinéa 1 et A 243-1 du Code des Assurances au motif que la Cour d’appel qui avait constaté que l’activité déclarée par l’entrepreneur n’était pas celle de fumisterie à l’occasion de laquelle le sinistre s’était produit, mais celle de plâtrerie, tout en condamnant néanmoins l’assureur au prétexte que celui-ci n’était pas fondé à exciper du fait que l’entrepreneur aurait exercé une activité de fumisterie non garantie « puisqu’elle ne lui reproche pas d’avoir exercé cette activité « ab initio ou en cours de contrat sans la déclarer dans l’intention de diminuer l’opinion que l’assureur pouvait se venger du risque, selon la règle posée par l’article L 113-8 du Code des Assurances et que cet assureur est défaillant dans l’administration de la preuve qui lui incombe, de ce que la déclaration de risque découlant de l’exercice de cette activité à partir d’une certaine date dans la vie de l’entreprise de son assuré, aurait emporté une sur-tarification ».

Or, dans cette espèce, la Cour Suprême a également négligé la première branche du moyen unique de cassation qui reprochait à la Cour de Rennes d’avoir retenu la garantie de l’assureur au prétexte que celui-ci ne rapportait pas la preuve de ce que la déclaration de l’activité de fumisterie aurait entraîné une augmentation de la prime versée pour l’activité de plâtrerie « tout en reconnaissant que l’assureur ne sollicitait pas l’application de l’article L 113-9 du Code des Assurances, mais seulement que le risque n’avait pas été assuré car l’activité n’avait pas été déclarée… ».

Etant observé qu’il semble (seule la lecture de l’arrêt d’appel aurait pu permettre de mieux le vérifier et l’affirmer) que la Cour d’appel ait au surplus mélangé quelque peu les domaines d’application des articles L 113-8 et L 113-9 du Code des Assurances puisque les sanctions encourues sont totalement différentes.

Ce qui en la circonstance est surtout significatif, c’est que, comme évoqué ci-dessus, la Cour Suprême ne s’est pas embarrassée à répondre, ne serait-ce que pour lui donner satisfaction à la première branche du moyen de cassation relatif à l’absence de revendication de l’application de l’article L 113-9 du Code des Assurances, se contentant après un rappel de la motivation du Juge du Fond au visa de l’article L 113-8 dudit Code, d’appliquer la règle selon laquelle la garantie de l’assureur ne concerne que le secteur d’activité professionnelle déclarée par le constructeur.

3) L’assureur de responsabilité décennale de l’entrepreneur ne peut refuser sa garantie au seul prétexte que l’ouvrage réalisé l’a été en exécution d’un contrat de maison individuelle et non d’un simple marché de travaux.

4. Le dernier arrêt rapporté (sixième espèce) censure une décision de Tribunal d’Instance, qui tout en relevant le caractère décennal des désordres, avait rejeté la demande formée à l’encontre d’un assureur de responsabilité décennale au prétexte que la police d’assurance n’avait pas pour but de garantir le constructeur « pour une prestation de constructeur de maisons individuelles mais se trouvait destinée à garantir un simple marché de travaux », et ce « sans rechercher si les activités déclarées par ledit constructeur lors de la souscription du contrat d’assurance ne correspondaient pas aux travaux à l’origine des désordres, indépendamment de la forme du contrat conclu avec le maître de l’ouvrage ».

La Cassation était en la circonstance inévitable.

La clause en effet qui exclut expressément ou implicitement l’activité de l’assuré en qualité de constructeur de maisons individuelles, doit être réputée non écrite car ayant pour conséquence d’exclure certains travaux réalisés par l’assuré « dans l’exercice de sa profession d’entrepreneur » (Cass. 1ère civ. 17 juin 1992, RGAT 1992 p.568, note H.PERINET-MARQUET ; Cass. 1ère civ. 15 décembre 1993, RGAT 1994 p.568, note JP.KARILA ; Cass. 1ère civ. 29 juin 1994, RGAT 1994 p.825, note A.D’HAUTEVILLE ; CA Aix en Provence 3ème ch. 20 décembre 2001, AGF SA c/ LAVAL, Jurisdata n°168250).

Peu importe donc la forme du contrat objet de la prestation de l’entrepreneur, seule important la nature de l’activité déclarée ; en la circonstance, le motif d’éviction de la garantie de l’assureur est à lui seul insuffisant pour le fonder pertinemment, puisque s’attachant à la forme ou au régime juridique du contrat du constructeur, le Tribunal d’Instance ayant fait l’apocope du secteur d’activité professionnelle déclaré par l’assuré au regard de ses compétences, voire de ses choix irraisonnés, d’un point de vue technique.

4) L’assureur engage sa responsabilité extracontractuelle lorsqu’il délivre une attestation ne précisant pas le secteur d’activité professionnelle déclaré par le constructeur.

La troisième espèce rapportée, tout en rejetant le premier moyen du pourvoi relatif à la prétendue violation des articles L 241-1, L 243-8 et A 243-1 du Code des Assurances, en réaffirmant à cette occasion le principe ci-dessus évoqué selon lequel la garantie de l’assureur ne peut concerner que le secteur d’activité professionnelle déclaré par le constructeur, casse en revanche l’arrêt de la Cour d’appel de MONTPELLIER en ce qu’il avait rejeté l’action en responsabilité délictuelle formée par le maître d’ouvrage à l’encontre de l’assureur auquel il reprochait de n’avoir pas précisé dans l’attestation d’assurance qu’il avait délivrée au constructeur, l’activité professionnelle déclarée par ce dernier.

La Cour de MONTPELLIER avait en effet estimé que l’attestation d’assurance litigieuse était « simplement destinée à certifier, de manière concise, l’existence d’un contrat d’assurance de responsabilité civile décennale en cours de validité » et qu’en conséquence « il appartenait au maître de l’ouvrage » « de s’enquérir auprès de l’entrepreneur des garanties souscrites, voire d’en exiger la justification ».

La cassation est prononcée pour violation de l’article 1382 du Code Civil, ensemble article L 241-1 et R 243-1 alinéa 2 du Code des Assurances, ce dernier texte énonçant que pendant l’exécution des travaux « le maître de l’ouvrage peut demander à tout intervenant à l’acte de construire de justifier qu’il satisfait aux obligations prévues par les articles L 241-1 et L 241-2″ du Code des Assurances, et ce au motif qu’en statuant ainsi, alors que la responsabilité obligatoire dont l’existence peut influer sur le choix d’un constructeur étant imposée dans l’intérêt des maîtres d’ouvrage, il appartient à l’assureur, tenu d’une obligation de renseignement à l’égard de son assuré à qui il délivre une attestation, nécessairement destinée à l’information des éventuels bénéficiaires de cette garantie, de fournir dans ce document les informations précises sur le secteur d’activité professionnelle ».

On s’étonnera de l’incise constituée par l’affirmation de l’existence d’une obligation de renseignement de l’assureur à l’égard de son assuré car, de facto, ce dernier n’ignorait pas l’activité qu’il avait lui-même déclarée à l’assureur et pour laquelle il était garanti.

On ne peut donc retenir la violation d’une obligation de renseignement à l’égard de l’assuré, auquel cas d’ailleurs cette violation aurait entraîné l’application des règles de la responsabilité contractuelle de droit commun et non celles de la responsabilité délictuelle, énoncées notamment par l’article 1382 du Code Civil dont la Cour Suprême a retenu la violation ; et ce d’autant plus qu’il ne pouvait s’agir d’une obligation dite précontractuelle de renseignements dont la jurisprudence sanctionne le non respect sur le fondement des règles de la responsabilité extracontractuelle, mais d’une obligation de renseignement relative à un contrat d’assurance déjà existant …

D’ailleurs la Cour Suprême dans l’arrêt rapporté prend surtout en considération le fait que l’attestation d’assurance était imposée dans l’intérêt du maître de l’ouvrage et qu’elle était en conséquence « nécessairement destinée à l’information des éventuels bénéficiaires de cette garantie… ».

Pourquoi alors n’avoir pas retenu la violation d’une obligation de renseignement de l’assureur à l’égard du maître d’ouvrage, sur l’étendue des garanties que ledit assureur a consenties à son assuré, auquel cas, le texte à viser aurait été alors et seulement l’article R 243-1 alinéa 2 du Code des Assurances et l’article 1382 du Code Civil.

L’absence de visa de l’article 1147 du Code Civil est d’ailleurs symptomatique, même s’il aurait permis, compte tenu de l’incise précitée, de justifier encore plus le visa tout à fait légitime de l’article 1382 du Code Civil, la violation d’une obligation contractuelle pouvant justifier si elle cause un préjudice à un tiers, l’application au profit de ce dernier des règles de la responsabilité délictuelle.

La question risque à nouveau d’être posée devant la Cour de renvoi, en la circonstance la Cour de TOULOUSE, laquelle pour retenir la responsabilité délictuelle de l’assureur devrait à notre avis :

– soit, bien que l’hypothèse soit théorique, retenir la violation d’une obligation de renseignement à l’égard de l’assuré, violation causant un préjudice au maître d’ouvrage et engageant en conséquence la responsabilité délictuelle de l’assureur à l’égard de celui-ci, étant rappelé que la jurisprudence admet fréquemment que la violation d’une obligation contractuelle peut causer à un tiers, qui peut alors s’en prévaloir, un préjudice, auquel cas les textes qui seraient visés dans la décision de condamnation seraient nécessairement l’article 1147, l’article R 243-1 alinéa 2 du Code des Assurances et l’article 1382 du Code Civil ;

– soit retenir, ce qui semble plus adapté, la violation d’une obligation de renseignement à l’égard du maître de l’ouvrage, sur l’étendue des garanties que ledit assureur a consenties à son assuré, auquel cas les textes visés seraient alors et alors seulement l’article R 243-1 alinéa 2 du Code des Assurances et 1382 du Code Civil.

RGDA 2004-1 p. 113

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