L’assureur DO qui a refusé sa garantie pour un motif inopérant dans le délai de 60 jours ne peut plus opposer la prescription biennale passé ce délai (Cass. 3e. civ., 4 février 2004) — Karila

L’assureur DO qui a refusé sa garantie pour un motif inopérant dans le délai de 60 jours ne peut plus opposer la prescription biennale passé ce délai (Cass. 3e. civ., 4 février 2004)

Ancien ID : 124

Assurance dommages ouvrage

Refus de garantie de l’assureur pour motif inopérant dans le délai de 60 jours / garantie de l’assureur acquise / conséquences sur la prescription biennale de l’article L 114.1 du Code des Assurances.

La Cour d’appel qui relève que l’assureur avait, dans le délai de 60 jours, refusé sa garantie pour un motif inopérant, sans opposer alors la prescription biennale qui était cependant acquise au moment de la réception de la déclaration de sinistre, déclare à bon droit irrecevable l’assureur à opposer postérieurement à l’expiration du délai précité de 60 jours, la prescription biennale ci-dessus évoquée de l’article L 114.1 du Code des Assurances.

Cour de Cassation (3ème Ch. Civ.)

4 février 2004

SMABTP c/ SDCP de la Résidence Sadi Carnot et autres

Pourvoi n° 01-17272 – 01-17362, Bull. n°19

La Cour.

(…) Sur le moyen unique du pourvoi n° V 01-17.272 :

Attendu que la SMABTP fait grief à l’arrêt de dire qu’elle n’est pas recevable à opposer la prescription biennale à l’appui de sa décision de refus de garantie et de la condamner en conséquence à verser au syndicat des copropriétaires Sadi Carnot et aux copropriétaires individuellement certaines sommes, alors, selon le moyen :

1 / que les dispositions de l’article L. 242-1 du Code des assurances, impartissant à un assureur dommages ouvrage, un délai de soixante jours à compter de la réception de la déclaration de sinistre pour faire connaître sa position sur le principe de sa garantie, ne privent pas l’assureur du droit d’invoquer la prescription biennale qui a commencé à courir à compter de l’expiration de ce délai ; qu’en affirmant dès lors que la SMABTP, assureur dommages ouvrage, ne pouvait opposer la prescription biennale après l’expiration du délai de soixante jours à l’action du syndicat des copropriétaires et des copropriétaires, la cour d’appel a méconnu la règle précitée et a violé les articles L. 114-1, L. 114-2 et L. 242-1 du Code des assurances ;

2 / que subsidiairement, l’assureur dommages ouvrage qui entend opposer à son assuré un refus de garantie est seulement tenu de motiver sa décision dans le délai de soixante jours à compter de la réception de la déclaration de sinistre ; que, tout en constatant que la SMABTP avait informé dès le 3 mars, son assuré auteur d’une déclaration de sinistre en date du 22 février précédent, de son refus de garantie, la cour d’appel, qui a privé d’effet ce refus de garantie au motif inopérant pris du caractère erroné de la motivation de la décision de refus notifiée dans le délai prescrit, n’a pas tiré les conséquences légales de ses observations au regard des articles L. 114-1, L. 114-2 et L. 242-1 du Code des assurances ;

Mais attendu qu’ayant relevé que le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires avaient adressé, le 22 février 2000, une déclaration de sinistre à la SMABTP qui avait, le 3 mars 2000, refusé sa garantie au motif inopérant et sans effet que le délai prévu par la loi était expiré, la réception ayant été prononcée le 31 juillet 1989, et que la SMABTP n’avait pas alors opposé la prescription biennale de leur action introduite par la déclaration du 22 février 2000, la cour d’appel a déclaré, à bon droit, la SMABTP irrecevable à opposer le 27 septembre 2000 la prescription biennale à l’égard de la déclaration de sinistre du 22 février 2000 et l’a condamnée à garantir le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires des dommages de nature décennale, objets de la procédure ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE (…)

Note. 1. L’arrêt rapporté statue sur de nombreux pourvois qu’il rejette ; néanmoins la présente note ne portera que sur le rejet de l’un des pourvois, les autres étant sans intérêt véritable, comme la Cour Suprême l’a elle-même estimé, la publication de l’arrêt au bulletin des arrêts des chambres civiles n’étant prévue qu’en ce qui concerne le seul pourvoi dont s’agit.

2. On connaît l’état de la jurisprudence, désormais bien affirmée, en ce qui concerne la possibilité pour un assureur dommages ouvrage qui n’a pas respecté le délai de 60 jours à compter de la réception de la déclaration de sinistre pour notifier à l’assuré sa décision quant à l’application des garanties prévues au contrat d’assurance, d’exciper des dispositions de l’article L. 114-1 du Code des Assurances, savoir :

– l’assureur, destinataire d’une déclaration de sinistre, concernant les dommages apparus plus de deux ans avant ladite déclaration, ne peut, s’il a laissé passer le délai de 60 jours, sans prendre position sur le principe de la mise en jeu des garanties du contrat, et/ou si dans le délai précité il n’a pas excipé de la prescription alors acquise, en exciper ultérieurement, la garantie étant acquise à titre de sanction lui interdisant d’élever toute contestation de forme ou de fond concernant sa garantie (Cass. 1ère civ. 4 mars 1997, bull. civ. I n°78, Adm. 10/1997, n° 293, p. 16, note P. Dessuet, Gaz. Pal., Rec. 1998, jur. p. 256, J. n° 76, 17 mars 1998, p. 22, note G. Courtieu) ;

– en revanche, à partir du moment où la garantie est automatiquement acquise par l’effet de la déchéance ci-dessus évoquée, court un nouveau délai de deux ans, qui, s’il est dépassé, ne fait pas obstacle à ce que l’assureur se prévale de son expiration en application de l’article L. 114-1 du Code des Assurances (Cass. 1ère civ. 16 juillet 1998, bull. civ. I n°248, RGDA 1998, p. 728, note H. Périnet-Marquet, Rép. Defrénois, 1999, p. 551, note H. Périnet-Marquet, Gaz. Pal., Rec. 1999, jur. p. 98, J. n° 9, 9 janvier 1999, p. 21, note G. Courtieu ; Cass. 1ère civ. 1er février 2000, bull. civ. I n°32, RGDA 2000, p. 510, note J. Beauchard ; Cass. 1ère civ. 27 mars 2001, 2 arrêts du même jour, bull. civ. I n°83, RGDA 2001, p. 354, note J. Kullmann, JCP éd. entr., 2002, p. 29, note G. Courtieu, D., 2001, somm. p. 3319, obs. H. Groutel ; Cass. 1ère civ. 22 mai 2002, bull. civ. I n°134, Gaz. Pal., Rec. 2003, jur. p. 435, J. n° 16, 16 janvier 2003, p. 24, note G. Courtieu ; Cass. 1ère civ. 10 décembre 2002, inédit, 99-15838).

3. L’espèce objet de l’arrêt rapporté était particulière en ce sens que l’assureur avait respecté le délai de 60 jours notifiant alors à l’assuré, dans ledit délai, un refus de garantie inopérant, sans exciper de la prescription de la demande de l’assuré laquelle était acquise puisque la déclaration de sinistre concernait des dommages survenus plus de deux ans avant la déclaration de sinistre.

4. Le motif de garantie était inopérant et donc sans effet en ce sens que l’assureur avait, pour refuser la garantie, excipé du fait que la déclaration de sinistre avait été effectuée plus de dix ans après la réception de l’ouvrage, alors que l’on sait, depuis un arrêt de principe du 4 mai 1999 (Cass. 1ère civ. 4 mai 1999, bull. civ. n°141, RGDA 1999 p.1037 note JP.KARILA, Rép. Defrénois, 1999, p. 1139, note H. Périnet-Marquet, D., 2000, jur. p. 354, note P. Fadeuilhe) que l’article 2270 du Code Civil est sans application au délai ouvert à l’assuré pour déclarer les sinistres couverts par le contrat d’assurance dommages ouvrage régi par l’article L 242-1 du Code des Assurances, le bénéficiaire de l’assurance disposant, en vertu de l’article L 114-1 du Code des Assurances, d’un délai de deux ans pour réclamer l’exécution des garanties souscrites à compter de la connaissance qu’il a desdits désordres / sinistres survenus dans les dix ans qui ont suivi la réception des travaux (solution confirmée par un arrêt inédit : Cass. 1ère civ. 29 avril 2003, inédit, 00-12046).

De sorte, sous la condition préalable que les désordres soient bien survenus dans le délai de la garantie décennale, l’assureur peut être mis en cause postérieurement à l’expiration de ladite garantie décennale, le délai de l’article L 114-1 du Code des Assurances ne commençant à courir que du jour où le bénéficiaire de l’assurance a eu connaissance des désordres.

5. La Cour d’appel de DOUAI avait en conséquence considéré à juste titre que le motif de refus de garantie était « sans effet et sans intérêt » pour les motifs ci-dessus évoqués, qu’en matière d’assurance dommages ouvrage, l’application de l’article 2270 du Code Civil est écartée « car ce texte ne concerne pas le délai ouvert à l’assuré pour déclarer les sinistres couverts par le contrat d’assurance dommages ouvrage » et ce avant d’ajouter « que dès lors que l’assureur avait omis d’opposer la prescription biennale de l’article L 114-1 du Code des Assurances à l’action introduite par le bénéficiaire de l’assurance par la déclaration de sinistre et ce dans le délai de 60 jours à compter de la réception de ladite déclaration de sinistre, ledit assureur n’était plus recevable à opposer par voie de conclusions ladite prescription et était donc tenu de garantir le bénéficiaire de l’assurance des dommages objet de la procédure et/ou encore visés dans la déclaration de sinistre ci-dessus évoquée ».

6. La Cour Suprême valide en conséquence, à juste titre, l’arrêt de la Cour de DOUAI rejetant l’unique moyen du pourvoi pris en ses deux branches énoncées dans l’arrêt rapporté, dont la première tendait à l’évidence à tirer profit à mauvais escient, dans les circonstances de l’espèce, de la jurisprudence ci-dessus évoquée selon laquelle l’assureur était recevable à opposer la prescription acquise après l’acquisition automatique de la garantie par suite de l’expiration du délai de 60 jours alors que de facto, celui-ci n’avait s’était invoqué la prescription qu’au regard de la date de la déclaration de sinistre…

L’arrêt rapporté ne peut donc qu’être approuvé.

RGDA 2004-2 p.435

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