Le dommages potentiel n’est pas garanti par l’assureur dommages-ouvrage (Cass. 3e civ., 8 octobre 2003) — Karila

Le dommages potentiel n’est pas garanti par l’assureur dommages-ouvrage (Cass. 3e civ., 8 octobre 2003)

Ancien ID : 116

Assurances dommages ouvrage

Assurance responsabilité décennale

Jean-Pierre Karila

Vice avéré et désordre seulement potentiel – garantie de l’assureur (non).

Se contredit et viole l’article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile la Cour d’appel qui pour condamner l’assureur dommages ouvrage à payer des sommes au maître de l’ouvrage au titre des désordres affectant la charpente, retient que celle-ci est atteinte d’un vice important, certain et avéré au cours du délai décennal qui porte atteinte à la solidité de l’ouvrage et qui le rend impropre à sa destination, que seul le dommage est potentiel mais apparaît certain non hypothétique dans l’exemple des chutes de neige cité par l’expert.

Cour de Cassation (3ème chambre civile)

8 octobre 2003.

Ste ALBINGIA c/ Epoux HERMEL & autres

Pourvoi n° 01-17585

La Cour.

Sur le premier moyen :

Vu l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 24 septembre 2001), qu’en 1989, les époux Hermel, maîtres de l’ouvrage, assurés en police « dommages-ouvrage » par la société Albingia, ont chargé la société SCIRP, depuis lors en liquidation judiciaire, assurée par la société Mutuelle d’assurances du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP), de la construction d’une maison ; que la réception est intervenue le 7 mai 1990 ; que des désordres ayant été constatés, les maîtres de l’ouvrage ont, par actes des 18 et 22 décembre 1998, après une expertise ordonnée en référé, assigné en réparation l’entrepreneur et les assureurs ;

Attendu que pour condamner la société Albingia à payer des sommes aux maîtres de l’ouvrage au titre des désordres affectant la charpente, l’arrêt retient que la charpente est atteinte d’un vice important, certain et avéré au cours du délai décennal qui porte atteinte à la solidité de l’ouvrage et qui le rend impropre à sa destination, que seul le dommage est potentiel mais apparaît certain et non hypothétique dans l’exemple de chutes de neige cité par l’expert ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui s’est contredite, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société Albingia à payer aux époux Hermel (…)

Note. 1. L’arrêt rapporté qui est un arrêt de cassation au profit d’un assureur dommages ouvrage, est parfaitement transposable en matière d’assurance de responsabilité décennale ce qui explique qu’il soit rapporté sous le double titre « assurance dommages ouvrage / assurance de responsabilité décennale ».

2. La cassation de l’arrêt de la Cour de VERSAILLES par l’arrêt rapporté, au visa de l’article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile est bien venue tant la contradiction entre l’énonciation que le vice affectant la charpente est certain et avéré et porte atteinte à la solidité de l’ouvrage d’une part, et que seul le dommage est potentiel d’autre part ; contradiction aussi dans l’affirmation que le dommage est potentiel mais apparaît certain et non hypothétique dans l’exemple des chutes de neige ! …

On observera ici qu’en la circonstance, la contradiction censurée était invoquée aux termes de la 2ème branche du premier moyen de cassation, la première branche du moyen étant fondée sur la violation de l’article 1792 du Code Civil, que curieusement la Cour Suprême ne vise pas.

Sans doute n’était-ce pas indispensable mais il convient néanmoins de souligner qu’abstraction faite de la contradiction évidente des motifs de l’arrêt de la Cour de VERSAILLES, justement censuré à cet égard, ladite Cour avait confondu vice et dommage, le caractère avéré d’un vice de construction n’entraînant pas toujours et inéluctablement aussitôt des dommages matériels à l’ouvrage, dont l’existence est seule prise en compte par l’article 1792 du Code Civil si lesdits dommages présentent certaines caractéristiques de gravité, et ce abstraction faite de leurs causes et origines, et donc de l’existence d’un vice de construction ou encore d’une simple non-conformité contractuelle.

RGDA 2004-1 p.98

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