L’incidence de la faute intentionnelle ou dolosive (Cass. 3e civ., 7 octobre 2008, n°07-17769) — Karila

L’incidence de la faute intentionnelle ou dolosive (Cass. 3e civ., 7 octobre 2008, n°07-17769)

Ancien ID : 597

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 4 juin 2007), que la société Sofilot a fait réaliser des travaux de génie civil et de voirie dont la direction des travaux a été confiée à la société Soderef, depuis lors en liquidation judiciaire, assurée auprès de la société Axa France Iard, et l’exécution à la société GHTP, depuis lors en liquidation judiciaire, assurée auprès de la Société mutuelle du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) ; que des désordres étant apparus après réception, la société Sofilot a assigné la SMABTP et la société Axa en paiement des travaux de réparation ;

Sur le moyen unique :

Attendu que la société Sofilot fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande à l’encontre de la SMABTP et de la société Axa France Iard, alors, selon le moyen, que la faute intentionnelle est celle qui suppose chez l’assuré la volonté de commettre le dommage tel qu’il s’est réalisé ; qu’au cas où le contrat d’assurance est souscrit au nom d’une personne morale, la faute intentionnelle doit s’apprécier en la personne du dirigeant de droit ou de fait de celle-ci ; qu’en l’espèce, en ne caractérisant pas que les dirigeants de fait ou de droit des sociétés GHTP et Soderef avaient voulu le dommage tel qu’il s’était réalisé, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 113-1 du code des assurances ;

Mais attendu qu’ayant souverainement retenu que la société GHTP s’était volontairement abstenue d’exécuter les travaux conformément aux prévisions contractuelles et avait délibérément violé par dissimulation ou par fraude ses obligations contractuelles, sans ignorer que des désordres allaient apparaître très rapidement, la même faute pouvant être imputée à la société Soderef qui avait pour obligation d’assurer le contrôle des travaux, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à des recherches qui ne lui étaient pas demandées, a pu en déduire que ces manquements délibérés constituaient une faute dolosive ayant pour effet de retirer aux contrats d’assurance leur caractère aléatoire ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Observations

Cet arrêt certes non publié a toutefois l’avantage de rappeler que la faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré au sens de l’alinéa 2 de l’article L. 113-1 du code des assurances a pour effet de retirer aux contrats d’assurances leur caractère aléatoire d’une part et que la violation délibérée par dissimulation ou par fraude des obligations contractuelles d’une entreprise qui ne pouvait ignorer que des désordres allaient apparaitre très rapidement constitue une faute dolosive d’autre part.

Elle rappelle enfin et surtout que s’il appartient à la cour d’appel de caractériser en quoi le dirigeant de fait ou de droit de la société bénéficiaire de la garantie d’assurance a voulu le dommage tel qu’il s’est réalisé (1) ; encore faut-il que cette question ait été posée aux juges du fond, à défaut de quoi la Cour de cassation ne pourra que dire comme elle l’a fait le 7 octobre 2008, en constatant que la cour d’appel n’était pas tenue de procéder à des recherches qui ne lui étaient pas demandées, et valider en conséquence l’arrêt de la cour d’appel qui avait retenu la violation délibérée par dissimulation ou par fraude de la personne morale elle-même. On observera que la Cour de cassation, par la formule « a pu en déduire » s’est référée à l’appréciation souveraine des juges du fond (2).

Mots clés :

ASSURANCE * Assurance de responsabilité * Faute intentionnelle * Personne morale * Identification

(1) Civ. 1re, 6 avr. 2004, pourvoi n° 01-03.494 : « Lorsque le contrat d’assurance est souscrit au nom d’une personne morale, la faute intentionnelle au sens de l’art. L. 113-1, al. 2 C. assur., s’apprécie en la personne du dirigeant de droit ou de fait de celle-ci. » ; Civ. 1re, 1er déc. 1998, pourvoi n° 96-20.302 ; CA Paris, 29 mars 1995, Juris-Data, n° 1995-021033.

(2) Civ. 2e, 20 mars 2008, pourvoi n° 07-10.499 ; après une hésitation à l’occasion de l’arrêt de la 2e Ch. civ. du 24 sept. 2004. V. Civ. 2e, 23 sept. 2004, pourvoi n° 03-14.389, RDI 2004. 517, note G. Leguay .

 


Source : Cass. 3e civ., 7 octobre 2008, n° 07-17969



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