VEFA – L’action en exécution de l’engagement de réparer les désordres apparents qui ont fait l’objet de réserves à la réception n’est pas soumise au délai de forclusion de l’article 1648, alinéa 2 (Cass. 3e civ. 29 octobre 2003) — Karila

VEFA – L’action en exécution de l’engagement de réparer les désordres apparents qui ont fait l’objet de réserves à la réception n’est pas soumise au délai de forclusion de l’article 1648, alinéa 2 (Cass. 3e civ. 29 octobre 2003)

Ancien ID : 118

Assurances dommages ouvrage

Jean-Pierre Karila

Non respect des délais / possibilités pour l’assureur d’exciper de la prescription biennale couru depuis l’expiration du délai de 60 jours.

Vendeur d’immeuble à construire : délai de l’article 1648 alinéa 2 du NCPC : non en cas d’engagement de réparer.

La prescription de l’article L 114-1 du Code des Assurances commence à courir contre l’assuré à compter de l’expiration du délai de 60 jours de sorte que celui-ci doit dans les deux ans à compter de l’expiration dudit délai, sous réserves d’une interruption de la prescription, requérir la garantie acquise à titre de sanction.

La prescription de l’article 1648 alinéa 2 du Code Civil ne peut être invoquée par le vendeur d’immeubles à construire s’il a pris l’engagement de réparer les désordres objet de réserves lors de la réception.

Cour de Cassation (3ème chambre civile)

29 octobre 2003

Epoux NGO c/ Mutuelles du Mans Assurances Iard & autres

Pourvoi n° 00-21597, Bull. n° 182

La Cour.

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 6 septembre 2000), que les époux Ngo, acquéreurs d’un immeuble vendu en l’état futur d’achèvement, ont, par acte du 15 novembre 1995, assigné la société d’économie mixte de Montreuil Bagnolet (la SEMIMO B), vendeur, maître d’ouvrage, et la compagnie Mutuelle du Mans assurances IARD, assureur dommages-ouvrage, en paiement d’indemnités correspondant aux travaux de réparation de désordres de construction ;

Attendu que les époux Ngo font grief à l’arrêt de les déclarer forclos en leur action contre la compagnie Mutuelle du Mans, alors, selon le moyen, que l’assureur dommages-ouvrage qui ne notifie pas à l’assuré, dans les soixante jours de la déclaration de sinistre, sa position quant à sa garantie, ne peut par la suite invoquer aucune prescription, quelle que soit la date de l’action au fond après la déclaration de sinistre ; qu’il résulte des constatations de la cour d’appel que les Mutuelles du Mans n’ont pas pris position sur leur garantie ; qu’en estimant, par motifs adoptés, que les époux Ngo devaient néanmoins assigner cet assureur dans les deux ans de la déclaration de sinistre, sous réserve d’une interruption de prescription, la cour d’appel a violé les articles L. 114-1 et L. 242-1 du Code des assurances ;

Mais attendu que la prescription biennale commence à courir contre l’assuré à compter de l’expiration du délai de soixante jours à partir de la réception de la déclaration de sinistre, le défaut de réponse de l’assureur au terme fixé par l’article L. 242-1, alinéa 3, du Code des assurances conférant à l’assuré un droit acquis à garantie ; qu’ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que les époux Ngo avaient saisi l’assureur dommages-ouvrage d’une déclaration de sinistre par lettre reçue le 26 décembre 1991, que la réponse de l’assureur en date du 7 février 1992 ne pouvait être considérée comme un refus de garantie, que seule l’ordonnance de référé du 16 juin 1993 avait interrompu la prescription et fait courir un nouveau délai de deux ans et que l’assignation au fond avait été délivrée à la compagnie Mutuelle du Mans le 15 novembre 1995, ce dont il résultait que l’action en paiement des époux Ngo n’avait pas été engagée dans les délais, la cour d’appel a, par ce motif de pur droit substitué à celui critiqué, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles 1642-1 et 1648 alinéa 2 du Code civil ;

Attendu que le vendeur d’un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur des vices de construction alors apparents ; que dans ce cas, l’action en garantie doit être introduite, à peine de forclusion, dans l’année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices apparents ;

Attendu que pour déclarer prescrite l’action des époux Ngo contre la société SEMIMO B tendant à l’indemnisation de désordres susceptibles de relever de la garantie de parfait achèvement, l’arrêt retient qu’à supposer que les courriers de la SEMIMO B des 19 mars 1990 et 30 mai 1991 s’analysent comme une reconnaissance de responsabilité à l’égard des désordres réservés et en admettant qu’ils aient interrompu le délai légal de mise en oeuvre de cette garantie, l’action est tardive pour avoir été engagée plus d’une année après l’ordonnance du 16 juin 1993, dernier acte interruptif de prescription ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le vendeur d’immeuble à construire est tenu de la garantie des vices apparents et que l’action en exécution de son engagement de réparer les désordres apparents qui ont fait l’objet de réserves à la réception n’est pas soumise au délai de forclusion de l’article 1648, alinéa 2, du Code civil, la cour d’appel a violé les textes sus-visés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a déclaré prescrite l’action des époux Ngo tendant à l’indemnisation de désordres relevant de l’éventuelle garantie de parfait achèvement

Note. 1. L’arrêt rapporté présente un double intérêt :

– celui de rappeler que si l’assureur dommages ouvrage dont la garantie est acquise à titre de sanction s’il n’a pas dans le délai de 60 jours de la réception de la déclaration de sinistre pris position sur la mise en jeu des garanties stipulées au contrat d’assurance, ou n’a pas respecté l’une des obligations attachées au délai précité, il peut néanmoins exciper de la prescription édictée par l’article L114-1 du Code des Assurances, courue à compter de l’expiration du délai dont s’agit ;

– celui en outre de rappeler que le délai d’un an édicté par l’article 1648 alinéa 2 du Code Civil à propos des vices de construction apparents lors de la réception est inapplicable en cas d’engagement du vendeur d’immeubles à construire de réparer les désordres.

1) La déchéance de l’assureur dommages ouvrage du droit de contester sa garantie après expiration du délai de 60 jours, n’empêche pas la prescription de courir à compter de l’expiration dudit délai.

2. Sur la première question ci-dessus évoquée, la Cour de PARIS avait déclaré le bénéficiaire de l’assurance dommages ouvrage forclos en son action à l’encontre de l’assureur qui ne lui avait pas notifié sa position quant à la mise en jeu des garanties stipulées au contrat d’assurance dans les 60 jours de la déclaration de sinistre, en tenant compte à cet égard du délai écoulé entre la date de ladite déclaration de sinistre et celle de l’assignation au fond délivrée à l’assureur, puis accessoirement semble-t-il du délai écoulé entre le dernier acte interruptif en la circonstance une ordonnance de référé et celle de la date de l’assignation au fond.

Le premier moyen du pourvoi reprochait dans ces conditions à la Cour de PARIS d’avoir violé les articles L 114-1 et L 242-1 du Code des Assurances au motif « que l’assureur dommages ouvrage qui ne notifie pas à l’assuré dans les 60 jours de la déclaration de sinistre, sa position quant à sa garantie, ne peut par la suite invoquer aucune prescription quelque soit la date de l’action au fond après la déclaration de sinistre ».

La Cour Suprême valide l’arrêt de la Cour de PARIS en lui substituant un motif de pur droit à celui critiqué.

Un tel moyen ne pouvait prospérer, alors même que la motivation de l’arrêt de la Cour de PARIS était critiquable notamment pour avoir computé le délai de 60 jours à compter de la date de déclaration de sinistre, sinon à compter de la date de la réception de celle-ci, situation qui explique que la Cour Suprême ait voulu « sauver » l’arrêt de la Cour de PARIS qu’elle valide en définitive en substituant au motif critiqué un motif de pur droit constitué par le non respect par le maître d’ouvrage du délai de deux ans vu l’article L 114-1 du Code des Assurances entre la date de l’ordonnance de référé (dernier acte interruptif et celle de la date de l’assignation au fond).

Pour ce faire, la Cour Suprême :

– rappelle dans un « chapeau intérieur » que la prescription biennale de l’article L 114-1 du Code des Assurances commence à courir à compter de l’expiration du délai de 60 jours à compter de la réception de la déclaration de sinistre, que le défaut de réponse de l’assureur au terme du délai précité de 60 jours, confère à l’assuré un droit acquis à garantie ;

– puis énonce que la Cour de PARIS ayant constaté que le maître d’ouvrage avait saisi l’assureur dommages ouvrage d’une déclaration de sinistre reçue à une date déterminée, suivie d’une réponse de l’assureur dans le délai de 60 jours mais ne pouvant être considérée comme un refus de garantie, et enfin que seule l’ordonnance de référé intervenue moins de deux ans après la date de réception de la déclaration de sinistre avait interrompu la prescription de l’article L 114-1 du Code des Assurances et fait courir un nouveau délai de deux ans qui était expiré lorsque le maître d’ouvrage avait saisi le Juge du fond.

3. L’arrêt ne peut qu’être approuvé tant il est maintenant clairement admis que si l’assureur dommages ouvrage ne peut plus, passé le délai de 60 jours suivant la réception de la déclaration de sinistre, opposer à son assuré la prescription biennale déjà acquise au moment de la réception de ladite déclaration de sinistre, (Cass. 1ère civ. 4 mars 1997, bull civ. I n° 78, RGDA 1997, p. 1026 note J. Kullmann), en revanche, il peut le faire lorsque le bénéficiaire de l’indemnité n’aura pas requis judiciairement par lettre recommandée avec accusé de réception dans le délai de deux ans à compter de l’expiration du délai de 60 jours, la garantie acquise à titre de sanction dès l’expiration du délai précité (Cass. 1ère civ. 16 juillet 1998, bull. civ. I n°248, RGDA 1998, p. 728 note Périnet-Marquet ; Cass. 1ère civ. 1er février 2000, bull. civ. I n°32, RGDA 2000, p. 510 note J. Beauchard ; Cass. 1ère civ. 27 mars 2001, inédit, n° 98-13919 ; Cass. 1ère civ. 22 mai 2002, bull. civ. I n° 134).

2) L’action en exécution de l’engagement du vendeur de l’immeuble à construire de réparer les désordres apparents lors de la réception, n’est pas soumise à la forclusion annale de l’article 1648 alinéa 2 du Code Civil.

4. La Cassation est en revanche prononcée au titre du second moyen du pourvoi et pour violation des articles 1642-1 et 1648 alinéa 2 du Code Civil.

On rappellera ici que l’article 1642-1 du Code Civil énonce en son premier alinéa que « le vendeur d’un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur, des vices de construction alors apparents », tandis que l’article 1648 alinéa 2 dudit Code énonce quant à lui que « dans le cas prévu par l’article 1642-1, l’action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l’année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices apparents ».

Néanmoins, lorsque le vendeur d’un immeuble à construire prend l’engagement de réparer les désordres, objet de réserves à la réception, l’action de l’acquéreur au titre de cet engagement n’est pas soumise au délai de forclusion de l’article 1648 alinéa 2 du Code Civil et le délai de forclusion de droit commun, solution normale puisque les dispositions de l’article 1648 alinéa 2 ne sont pas d’ordre public et que l’engagement du vendeur d’immeuble à construire constitue une reconnaissance de responsabilité substituant au délai du texte précité, le délai de droit commun.

On pourrait parler, mais la jurisprudence ne l’a pas fait à ce jour à notre connaissance, d’interversion du délai de prescription.

L’arrêt ne peut en tout état de cause qu’être approuvé et s’inscrit d’ailleurs dans la lignée d’arrêts antérieurs dans le même sens (Cass. 3ème civ. 26 février 1992, bull. civ. III n°61 ; Cass. 3ème 15 novembre 1995, bull. civ. III n°232, Rep. Defr. 1996, note P. Dubois).

RGDA 2004-1 p. 105

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