Assurance de responsabilité décennale – distinction entre objet de la garantie et modalités d’intervention de l’assuré (Cass. 3ème civ., 10 septembre 2008) — Karila

Assurance de responsabilité décennale – distinction entre objet de la garantie et modalités d’intervention de l’assuré (Cass. 3ème civ., 10 septembre 2008)

Ancien ID : 545

La stipulation de limitations de garanties dans les polices d’assurance obligatoires de responsabilité décennale est strictement encadrée par les articles L. 241-1 du Code des assurances et les clauses types prise en annexe de l’article A. 243-1 dudit code.

Sur la base d’une distinction entre l’objet du contrat d’assurance de responsabilité décennale, que les parties peuvent bien évidemment négociées, et le contenu de la garantie, soumis aux règles d’ordre publics figurant notamment dans les clauses types, la Cour de cassation a admis que l’assureur de responsabilité pouvait limiter sa garantie aux seules activités déclarées, limitation de l’objet opposable au tiers victime au titre de la non garantie.

L’arrêt ci-dessous référencé revient sur cette distinction.

La Cour d’appel de Saint-Denis avait rejeté la demande formulée par un maître de l’ouvrage contre l’assureur de responsabilité décennale d’un constructeur au motif que la garantie concernait « les travaux d’étanchéité de toiture-terrasses » et « non pour des travaux d’application de résines synthétiques« .

La Cour de cassation censure cette décision au visa de l’article L. 243-8 du Code des assurances (consacrant le caractère d’ordre public des règles relatives à l’assurance de responsabilité décennale) et l’article A. 243-1 dudit Code.

Elle énonce, dans un chapeau en suite du visa, que « si le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire que doit souscrire tout constructeur ne peut comporter des clauses d’exclusion autres que celles prévues à l’article A 243-1 du code des assurances, la garantie de l’assureur ne concerne que le secteur d’activité professionnelle déclarée par le constructeur« .

Au-delà de ce principe devenu traditionnel, c’est la cassation technique qui justifie selon nous le fait qu’une formation de section ait été mobilisée sur cette question et que cet arrêt soit destiné à la publication au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation.

La Cour de cassation reproche à l’arrêt d’appel d’avoir écarté la garantie de l’assureur de responsabilité décennale :

– alors qu’elle avait retenu que les travaux réalisés pour le compte du maître de l’ouvrage avaient trait à la réfection de la toiture-terrasse de son logement (sous-entendu et relevant donc de l’activité déclarée par l’assuré),

– en se fondant « sur les modalités d’exécution de cette activité déclarée à l’assureur et non sur son objet« .

Il en résulte, solution qui découlait déjà selon nous des arrêts rendus par la Cour sur la question de la limitation de l’objet de la police à l’activité déclarée, que si l’assureur peut limiter le champ d’application de sa garantie en déterminant les activités pour lesquelles il devra garantir son assuré dans les conditions d’ordre public résultant des dispositions précitées du Code des assurances, il ne saurait exclure sa garantie pour tel ou tel mode opératoire d’intervention de l’assuré.

La frontière entre l’activité et les techniques reste il est vrai délicate à l’occasion. Tout dépendra des circonstances de chaque espèce et de l’appréciation des juges, la Cour de cassation exerçant néanmoins un contrôle de l’application de cette distinction entre objet de la police et technique d’intervention.

Source : Cass. 3ème civ., sect., 10 septembre 2008, n° 07-14884, Bull. civ. 2008, III, à venir

© Karila.fr – Cyrille Charbonneau