La construction d’un silo en polyester armé intégré au bâtiment constitue un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil (Cass. 3eme civ, 8 juin 1994) — Karila

La construction d’un silo en polyester armé intégré au bâtiment constitue un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil (Cass. 3eme civ, 8 juin 1994)

Ancien ID : 218

Assurance de responsabilité

Ouvrage (au sens de l’article 1792 du C. civ.). Silo en polyester armé intégré au bâtiment (oui).

La fourniture, le transport et la mise en place d’un silo intégré au bâtiment par soudure, constitue la construction d’un ouvrage au sens de l’article 1792 du C. civ.

Cour de Cassation, (3è Ch. civ.), 8 juin 1994, n° 92-12655 

S.A Hermex C/Besnier Industrie et autres

La Cour,

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Angers, 15 janvier 1992), qu’en 1985 la société Besnier Industrie a fait construire, sous le maîtrise d’œuvre du groupement d’intérêts économiques Besnier G.E.T., un bâtiment à usage industriel comportant un silo fabriqué et mis en place par la société Hermex sur une structure métallique réalisée par la société Richou-Simon-Remere ; que le silo s’étant effondré, la société Besnier Industrie a assigné les entrepreneurs en réparation ;

Attendu que la société Hermex fait grief à l’arrêt de la déclarer responsable du sinistre sur le fondement de al garantie décennale, alors, selon le moye, « que la vente et la pose d’un silo en matière plastique devant être mis en place une structure édifiée par un tiers n’est pas constitutive d’un ouvrage ou d’un élément d’équipement relevant des dispositions des articles 12792 et suivants du Code civil, qui ont été violées ».

Mais attendu qu’ayant relevé que le contrat conclu entre la société Besnier Industrie et la société Hermex comprenait la fourniture, le transport et la mise en place du silo, lequel était intégré au bâtiment par soudure, la Cour d’appel a exactement retenu qu’il s’agissait d’un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Par ces motifs,

Rejette…

Note. 1. Qu’un silo soit un ouvrage au sens de l’article 1792 du C. civ. dans sa rédaction issue de la loi du 4 janvier 1978 ne fait pas de doute.

On sait que sous l’empire de cette loi, la notion d’ouvrage est infiniment plus large que celle d’édifice ou de bâtiment et concerne tous les ouvrages divers de nature immobilière comme notamment les cours de tennis, les terrains de sport, les terrains de golf, les parcs et jardins.

Encore faut-il que l’ouvrage en question ait un caractère immobilier, c’est-à-dire en définitive un certain rattachement avec le sol et le sous-sol.

L’implantation d’un ouvrage sur le sol, sans rattachement de façon permanente avec celui-ci – impliquant soit des travaux de fondation, soit des travaux d’une certaine importance – n’est pas constitutive de la création d’un ouvrage immobilier au sens de l’article 1729 du C. civ.

C’est ainsi qu’une maison mobile livrée par camion et simplement posée sur le sol sans travaux de fondation, et conservant donc ses moyens de mobilité permettant son déplacement par simple traction, n’est pas un ouvrage au sens de l’article 1792 du C. civ. (Cass. civ. 3è, 28 avril 1993, Bull. Civ. III, n° 56 ; A.J.P.I. 1994.377, obs. Jean-Pierre Karila), étant précisé que dans le cas contraire, un permis de construire est d’ailleurs nécessaire (v. sur ce point obs. Ph. Malinvaud et B. Boubli in Revue de Droit Immobilier 1993.80 et la jurisprudence citée).

Mais le fait que la réalisation d’un ouvrage ne nécessite pas la délivrance d’un permis de construire préalable, n’entraîne pas la conséquence nécessaire qu’il ne serait pas pour autant un ouvrage immobilier au sens de l’article 1792 du C. civ. Le matériau employé pour la construction de l’ouvrage est également indifférent.

En la circonstance, le matériau utilisé pour la construction du silo considéré était du polyester armé, comme le révèle l’arrêt de la Cour d’Angers, objet du pourvoi, et les mémoires produits dans le cadre de l’examen de celui-ci ; de même la fabrication du silo considéré n’avait pas nécessité un permis de construire.

Ces circonstances ont été jugées à juste titre indifférentes par les juges du fond ; il a suffi à ceux-ci, pour caractériser l’existence d’un ouvrage relevant de l’application de l’article 1792 du C. civ., de relever que le silo considéré était intégré à un bâtiment industriel par soudure, à la charpente dudit bâtiment.

La Cour Suprême entérine, à juste titre, cette motivation et rejette en conséquence dans l’arrêt rapporté le pourvoi formé à l’encontre de la décision de la Cour d’Angers.

2. Le rattachement à la structure d’un bâtiment, comme au sol ou au sous-sol, est donc pour la Cour Suprême, un critère de la notion de qualification d’ouvrage immobilier.

C’est ainsi qu’elle a approuvé une décision d’une Cour d’appel qui avait déclaré qu’une véranda en menuiseries métalliques et vitrerie composée de parties fixes et mobiles, couverte par des plaques de plastique, adossée à la façade de l’immeuble, constituait un ouvrage au sens de l’article 1792 du C. civ. (Cass. civ. 3è, 4 octobre 1989, Bull. Civ. III, n° 179) ; c’est ainsi encore qu’elle a validé une décision d’une Cour d’appel qui avait qualifié une installation de chauffage, comportant notamment une pompe à chaleur enterrée d’ouvrage au sens du texte précité (Cass. civ. 3è, 18 novembre 1992, Bull. Civ. III, n° 298), mais a, à juste titre, refusé cette qualification à al couverture d’une piscine ne faisant pas corps avec ladite piscine puisque démontable (Cass. civ. 3è, 26 mai 1992, arrêt n° 944, D, Etablissements Lambert).

Cependant la dissociabilité ou la possibilité de déplacement d’un ouvrage ne lui confrère pas, pour autant, un caractère mobilier, du moins si ce déplacement ne peut s’effectuer sans la mise en œuvre de moyens importants : cela a été jugé à propos d’un silo dont le caractère immobilier avait été contesté au prétexte qu’il pouvait être déplacé. La 1ère Chambre civile de la Cour de cassation a validé à cet égard une décision d’une Cour d’appel au motif que celle-ci « ayant relevé… que le silo présentait comme un ensemble très important et solidaire de pièces assemblées, élevées à partir du sol sur des fondations et rivé à celles-ci, a justement retenu que ce silo était un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil malgré la possibilité de son déplacement, lequel ne pouvait s’effectuer qu’en recourant à des moyens très importants » (Civ. I, 20 décembre 1993, Bull. Civ. I, n° 374).

3. On observera enfin qu’il était soutenu au soutien du moyen unique du pourvoi que la « vente et la pose d’un silo en matière plastique, devant être mis en place par un tiers, n’est pas constitutif d’un ouvrage ou d’un élément d’équipement relevant des dispositions des articles 1792 et suivants du C. civ., qui ont été violées ».

Outre le fait qu’il semble que c’était bien le fabricant dudit silo qui l »’avait, de fait, posé et relié par soudure à la charpente du bâtiment, il était clair – mais la Cour Suprême n’a pas répondu sur ce point au moyen du pourvoi, lequel il est vrai n’avait pas expressément dénié l’existence d’un contrat de louage d’ouvrage – que les relations des parties quelle que soit la qualification qu’elles en avaient données, s’inscrivaient, non pas dans le cadre de l’exécution d’un contrat de vente, mais dans celui de l’exécution d’un contrat de louage d’ouvrage.

On rappellera ici que dès lors que la fabrication considérée n’est pas standardisée ou n’entre pas dans le catalogue d’un fabricant, qu’on est en présence de la réalisations d’une commande spécifique, impliquant un travail spécifique « sur mesure », selon des prescriptions particulières, le contrat qui se forme alors entre les parties est un louage d’ouvrage et non une vente (sur la distinction entre vente et louage d’ouvrage et l’évolution de la jurisprudence en la matière, v. Jean-Pierre Karila, Jurisclasseur, Construction Verbo Sous-traitance, fascicule 206, n° 37 à 41).

Jean-Pierre Karila – RGAT 1994-04, p. 1167

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